Chronique d’un racisme ordinaire : Haaaa Maréchal ! Ça sent bon ce soir ! (par Alcinte Phileste)

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Chronique d’un racisme ordinaire. Fréjus 30/09/15.

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Le bus a traversé la frontière depuis quelques minutes, certains passagers somnolent mollement, d’autres ont le regard rivé sur leurs écrans sur lesquels défilent des informations lobotomisantes ou les personnages d’une série bon marché. Les lumières des villes traversées éclairent de temps à autres l’ambiance feutrée et chauffée, l’Hiver arrive à grand pas et la nuit est tombée tôt.

Au passage d’un péage des faisceaux lumineux éblouissent le visage du chauffeur et lui font signe de s’arrêter sur le bas coté, la porte s’ouvre doucement, le froid s’engouffre.

Ceux qui dorment encore sont réveillé par un courant d’air qui traverse le bus en aboyant :

« Papiers ! Documents ! Passeports ! Cartes d’identités ! Messieurs, Dame : Police aux frontières ! »

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La  jeune femme en uniforme manifestement très fière de son entrée, prend le temps de contempler quelques secondes l’effet provoqué puis, faisant intentionnellement claqué ses bottes sur le sol, se dirige souriante vers le fond du bus « Aller Aller on s’active ! On s’active ! ». Arrivée aux dernières rangées elle lance à l’homme qui est en train de contrôler le chauffeur : « Haaaa Maréchal ! Ça sent bon ce soir ! »

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Tandis que son collègue la rejoint en vérifiant les identités des autres passagers, elle commence à s’en prendre à trois hommes en prenant bien soin de se faire entendre par toute l’assemblée :

« Alors ils ont des papiers eux ! Hein ? Quoi ? J’entends pas ! Est-ce-que-ils-ont-des-papiers ! Haha ils comprennent pas. Non pas de papier ! Oooooh bah mince alors ils comprennent pas… Lui il a pas de papier ? Ha bah non ! Lui il as pas de papier ? Ha bah non ? Et lui non plus ! Tous solidaire hahaha c’est bien ça, ben tient. »

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Les trois hommes fixent le vide, réduits à l’état de bête traqué ou plutôt de bétail, semblant presque s’excuser d’être là auprès des autres passagers.

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« Ohohoh. Bon vous êtes ensemble ? Vous vous connaissez ? Ha bah non évidemment vous vous connaissez pas. Regardez Maréchal ils ne se connaissent pas, ils ne sont même pas assis ensemble ! Halala j’adore ce métier, j’adore. Ils habitent où ? Elle-est-où-la-maison-laaaa -maiiisssoonnn ? Elle est où ? Ils savent pas non plus hein ? La maison, elle est ou la maison, hein ? Elle est à Rome ou a Milan à Turin peut-être ? À Bamako hahaha. »

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Certains passagers commencent à montrer quelques signes d’indignations, chuchotent, se dressent pour fixer les policiers, hochent la tête d’un air réprobateur , mais la plupart continuent de fixer leurs pantoufles d’un air contemplatif.

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Le ton s’adoucit alors : « Bon est ce qu’ils ont payé le bus ? Ticket ? ». Croyant l’orage passé, l’un des trois hommes souris et sort trois titres de transport de son sac. Amusée de voir que sa proie s’est laissée prendre au piège, la connerie humaine reprend de plus belle :

« OOOhhh ils se connaissent pas mais lui il a les tickets pour les trois, comme c’est bizarre, ohh c’est marrant ça quand même. Ils savent que c’est pas bien de mentir ? Le mensonge ils connaissent le mensonge ? C’est quoi ce regard ? Olala regardez moi ce regard ! Mais regardez moi ce regard ! Il crois quoi ! Maréchal regardez-moi ce regard, il a pas des beaux yeux lui ! Allez hop hop on se lève et on descend hop hop ! Debout ! Debout ! Bah vous voyez quand vous voulez vous comprenez. »

Le Maréchal semble presque fatigué du show de sa jeune recrue  : « Vous avez des bagages ? Dans la soutes ? Venez on va les chercher. »

Les trois hommes se lèvent accompagnés par les ricanements de la dinde en uniforme, récupèrent leurs valises et disparaissent dans le brouillard.

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Pour eux deux possibilités, la plus probable étant qu’ils soient tout simplement relâché quelques heures après avec une simple « attestation »leur demandant de quitter le territoire. La deuxième qu’ils passent quelques temps en centre de rétention administrative avant d’être « refouler » en Italie ou bien là aussi relâché avec une simple « attestation ». Bien peu de chance qu’ils ressortent avec une OQTF ( obligation de quitter le territoire français) environ 70 cas sur plus de 5000. Alors pourquoi tant de zèle de la part de la PAF si c’est pour relâcher quasiment immédiatement les gens qu’elle arrête ? Tout simplement pour toucher la prime au mérite en fin d’année qui varie selon le nombre d’interpellations…

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Dans le bus personne n’a bougé, une femme à les larmes aux yeux, un homme tremble, un enfant ne comprend pas, d’autres ont beaucoup transpiré en espérant que l’on ne s’intéresse pas de plus près à leur cas, l’un d’eux me soupirera à l’arrêt suivant : « Police…»

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« Vous savez Maréchal, vous savez, la différence entre le mensonge et la vérité ? Alors la vérité elle prend… mince, ha oui, la vérité elle prend l’ascenseur… non. Le mensonge il prend l’ascenseur ! C’est ça ! Et la vérité elle prend l’escalier ! Et la vérité elle finit toujours par y arriver ! C’est pas ça qu’on dit ! Hahaha… »

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Alcinthe Phileste

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