Actu : Interview des bénévoles du réseau social alternatif « TheChangeBook » (par Sacha)

Interview des bénévoles du réseau social alternatif "TheChangeBook"

L’équipe du réseau social alternatif TheChangeBook, créé en 2012 par des bénévoles de l’association Médialutte et du journal Actualutte, a bien voulu répondre collectivement aux questions du Foutou’art. C’est l’occasion pour eux de nous parler de leur site, de son fonctionnement, de leur différence idéologique avec Facebook, ainsi que de leurs valeurs humanistes, anti-capitalistes et sociales. Depuis cet été, les bénévoles ont travaillé d’arrache-pied pour refondre l’intégralité de l’interface de TheChangeBook, afin de rendre son utilisation plus agréable pour ses contributeurs, définissant ainsi une charte graphique propre au site.

Merci à eux de nous avoir permis de mieux comprendre en quoi le Net en général, mais aussi les « réseaux sociaux » tels que Facebook, peuvent être dangereux pour nos libertés individuelles et de nous avoir incités à être prudents dans l’utilisation de ces nouveaux outils.

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L’adresse du site : http://www.thechangebook.org/

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Pourquoi avoir créé TheChangeBook ? Quels sont vos points communs et quelles sont vos différences avec Facebook ?

L’objectif était de créer un réseau militant, une plateforme commune inter-mouvements de résistances sociales, économiques, politiques et écologiques. TheChangeBook ressemble à un réseau social et en a toutes les fonctionnalités, mais, à l’inverse de Facebook, il est non marchand et ne repose pas sur l’exploitation des données personnelles (géolocalisation, email, profession, hobbies, préférences) à des fins commerciales.

Disposant d’un public quasi infini, Facebook permet en théorie une communication grand public en échange de nos informations personnelles, de notre temps de cerveau disponible, et de nos clics impulsifs/compulsifs, ainsi que de ceux de nos publics respectifs. TCB est, au contraire, une webzad, une zone internet à défendre, car fragilisée par sa résistance au modèle dominant. Il permet par ailleurs de s’exercer à la gestion collective, à son échelle, pour peut-être faciliter cette pratique ailleurs.

Qui sont les personnes à l’origine de ce projet ? Comment est-il géré et financé ? Défendez-vous certaines valeurs ?

TCB a été créé en juillet 2012 par des membres actifs de Medialutte, avec l’aide de développeurs et gestionnaires réseau bénévoles, ainsi que des membres du journal Actualutte, structure affiliée à l’association. Ils ont été rejoints au fil du temps par les membres les plus investis de TCB lui-même.

Au départ, le financement du lancement a été assuré par des contributions personnelles des acteurs et actrices impliqué-e-s, ainsi que par un apport de fonds du journal Actualutte. Par la suite, ce sont les dons des membres engagés dans le réseau qui ont permis de le faire vivre en couvrant la seule dépense nécessaire : l’hébergement. Tout le travail fourni pour créer et entretenir le réseau a toujours été, est, et restera a priori, bénévole.

Nous défendons des valeurs humanistes de partage et non de compétition, de solidarité et non de concurrence, d’aide et non d’exploitation, de coopération et non d’individualisme, d’échange et non de monétisation. Nous portons des valeurs anti-capitalistes, anti-libérales, et anti-financières. Notre objectif est de remettre l’humain au centre de l’intérêt général, et non le profit au centre de l’intérêt particulier.

 

Un réseau social, c’est quoi en fait ?

Un lieu imaginaire où rencontrer des gens qu’on n’aurait peut-être jamais croisés sans lui ? Plus prosaïquement, le réseau social tel qu’on l’entend aujourd’hui est un espace où l’on partage tout et n’importe quoi. Dans ce contexte, le terme « social » est dénué de sens politique ou éthique. C’est un outil commercial gratuit, mais comme on dit, quand c’est gratuit, c’est que VOUS êtes le produit, vos informations personnelles intéressent diverses industries, du restaurant à la multinationale.

Dans notre cas, nous parlons d’un réseau militant, ou d’un réseau de militant-e-s. Nous échangeons des informations politiques, économiques, artistiques ; nous relayons des informations qui ne sont pas diffusées par les médias traditionnels, ainsi que des actions ou manifestations militantes locales, alternatives au système consumériste et financier.

 

Avez-vous une idée du nombre de personnes qui utilisent TheChangeBook ? Qui sont-elles ?

Actuellement, il y a plusieurs milliers d’inscrit-e-s sur TheChangeBook, et plusieurs centaines de personnes s’y connectent régulièrement. Les membres de TCB sont souvent des personnes engagées au quotidien ou de manière plus sporadique dans différentes causes. Le réseau n’est bien sûr pas réservé à ces personnes déjà impliquées dans des actions militantes ; il accueille volontiers toutes celles et ceux qui souhaitent utiliser et participer à une forme alternative de réseau social.

Parmi ces membres, un noyau d’acti-f-ves, parfois présent-e-s depuis le lancement en 2012, œuvre actuellement à redynamiser le réseau en s’appuyant sur l’expérience acquise et en défendant fermement l’idée qu’il est tout à fait possible de conduire un projet de cette nature sur la base des principes fondamentaux d’autogestion. Une de leurs premières actions a été de mettre en place une nouvelle interface graphique plus harmonieuse et facile à utiliser.

 

On sait que Facebook censure certaines images ou propos (sauf étonnamment la propagande de Daesh…). Y a-t-il également une censure sur TheChangeBook ?

La charte de TCB, acceptée lors de l’inscription, est plus exigeante que celle de Facebook. Comme tu le soulignes à juste titre, la propagande de Daesh, mais également la propagande d’extrême droite, homophobe, sexiste, raciste, en un mot xénophobe, n’y a pas sa place, d’autant plus que les appels à la haine sont également illégaux sur les sites domiciliés en France. En raison de son mur unique, et peut-être aussi d’une certaine conscience de son rôle médiatique, la charte se rapproche, du point de vue de la xénophobie, d’une charte éditoriale.

Les membres de TCB, investis d’une conscience politique, n’envisageraient pas, avant même leur arrivée sur le réseau, de publier quelque chose dont ils n’ont pas vérifié les sources, les intérêts et les réseaux. Néanmoins, TCB n’est pas fermé aux personnes qui n’ont pas de formation ou de sensibilité politique, et les discussions sont ouvertes. En ce qui concerne les liens, vidéos ou images qui pourraient être en contradiction avec la charte, ils sont soit soumis à l’appréciation des autres membres par des échanges publics, soit signalés à l’équipe de modération, qui tranche et informe le posteur. Ce dernier peut alors décider de supprimer son lien, image ou post, ou de s’en remettre à la modération.

Concernant d’autres polémiques, comme celle autour de Courbet, nous avons eu sur TCB de longues et houleuses discussions publiques, à l’issue desquelles il a été décidé collectivement que le nu photographique se partagerait en privé entre ami-e-s consentant-e-s (à condition, bien sûr, de ne pas véhiculer un contenu xénophobe ou sexiste). Quant à la pornographie, elle est en soi sujette à caution sur le net en général et peut tomber sous le coup de la loi.

La modération mise en place est ouverte aux membres volontaires, d’abord en tant que membres candidat-e-s pour être « auditeurs/auditrices », puis sous leur « surveillance ». Le rôle de l’auditeur consiste à suivre et interroger les débats de la modération et d’en faire un rapport aux autres membres. Enfin, chaque décision de modération se fait au sein de l’équipe après de souvent longs débats contradictoires, donnant la possibilité à la personne concernée d’exposer son point de vue sur Mumble avec l’équipe et les membres qui le souhaitent.

 

Pensez-vous que les réseaux sociaux tels que Twitter ou Facebook puissent être dangereux pour nos libertés individuelles ?

Au-delà de la géolocalisation et du ciblage publicitaire, le problème est ailleurs. Le Net, par l’interaction de tous ses intervenants commerciaux, industriels, politiques, policiers, financiers et administratifs, parvient, en recoupant et agrégeant toutes les informations vous concernant, à restructurer toutes vos données. C’est le Big Data. On sait tout de vous : vos lectures, les musiques que vous écoutez, les manifestations auxquelles vous participez, ce que vous téléchargez… tout.

En plus, grâce à des logiciels spécifiques de repérage de mots clés dans les écrits divers (mails, posts, chats, SMS, MMS…), on parvient à catégoriser les internautes selon des critères qui nous échappent. C’est là le vrai danger, qui devrait nous inciter à utiliser des technologies comme Tor, VPN ou Proxy, conjointement. Nous ne sommes plus anonymes sur le Web, et notre vie est exposée à qui veut bien la payer, pour de multiples raisons.

 

Comment expliquez-vous aujourd’hui l’essor des réseaux sociaux ? N’y a-t-il pas un risque d’enfermement pour ses utilisateurs ? Ou bien est-ce plutôt une incroyable ouverture sur le monde ?

Les deux sont possibles. Si l’utilisation des réseaux sociaux ne se traduit pas dans la vie réelle par des actions militantes ou politiques, le Net seul ne peut pas tout. Il faut associer l’action à la communication via le Net. L’action seule peut rester locale, mais grâce aux outils issus du monde du Libre, elle peut se propager, agréger d’autres luttes et se répandre. C’est ainsi que le Net peut s’avérer un complément indispensable, à condition de savoir s’en servir et de se protéger des yeux et des oreilles indésirables, au moins un minimum.

 

Sur TheChangeBook, on retrouve beaucoup d’informations militantes. En quoi ce « réseau social » peut-il apporter de nouvelles choses dans les luttes progressistes et sociales ?

TheChangeBook permet effectivement à chacun-e de trouver, diffuser et/ou relayer des informations militantes absentes des médias de masse (ou contraints à l’autocensure par la nature de leurs annonceurs). Mais plus encore, au sein de la famille des outils alternatifs que TheChangeBook a rejointe il y a quatre ans, il offre les moyens de s’organiser pour mener des actions de terrain, quels qu’en soient les thèmes ou l’ampleur.

C’est dans ce cadre social et ouvert que l’utilisation mutualisée d’outils externes tels que Framapad, Framadate, et de fonctions intégrées comme les salles de conférences virtuelles (Mumble), permettent ou permettront à terme de construire, à grande distance entre les intervenant-e-s, des textes, réunions communes, rencontres interactives et autres A.G. décentralisées. Cela peut également engendrer des actions de masse communes. Les interactions annexes rendues possibles dans cet environnement, les échanges, notamment autour de documents consultés collectivement, permettent de faire progresser les idées, de les remettre en question, de les peaufiner, les préciser, et les exporter ensuite sur le Net.

Par ailleurs, nos combats, bien qu’ils se heurtent à un adversaire commun, souffrent beaucoup de leurs divisions systématiques. Sur TheChangeBook, à condition de faire l’effort de laisser le prosélytisme, nos idées fixes et notre agressivité de côté, nous avons une chance de réapprendre à nous parler et à nous découvrir complémentaires dans notre diversité. C’est le résultat auquel nous sommes parvenus entre les personnes qui se sont investies dans la gestion collective du réseau.

C’est là l’enjeu aujourd’hui, sans quoi rien n’est possible : démonter les mécanismes qui nous poussent à gaspiller nos énergies et nos munitions les uns contre les autres, pour les optimiser contre un adversaire que nous savons tous commun. Et c’est dans l’action que cela devient possible.

Comment peut-on vous adresser des dons ?

Le soutien permettant de faire vivre TCB ne passe pas uniquement par l’aspect financier. Chacun-e peut trouver ses propres modes de participation, l’important étant de déconstruire peu à peu les automatismes liés au système consumériste qui nous encercle de toutes parts. Voici quelques pistes pour y parvenir : http://www.thechangebook.org/announcement/view/id_30/

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Propos recueillis par Sacha

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