Archive : Squat-Wars
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Squat-Wars
Ceci est une archive du Foutou’art, publiée le 15 octobre 2018

Le 20 septembre dernier se tenait au TGI de Lyon le jugement de deux militants du droit au logement ayant enfariné le président de la Métropole lyonnaise, après que celui-ci a investi 1,8 million d’euros dans des systèmes de protection de bâtiments vides en pleine trêve hivernale. Les militants réclamaient, entre autres, la mise à l’abri de plusieurs dizaines de mineurs isolés dormant à la rue.
« Vous appartenez à la mouvance anarchiste. »
« Non madame. »
« Mais votre idéologie, elle est anarchiste ?!.. »
« Non madame, nous revendiquons seulement le droit au logement. »
« Mais la revendication de l’enfarinage, vous l’avez postée sur un site anarchiste qui s’appelle Rebellyon, donc vous êtes anarchistes. »
« Non madame, nous c’est le droit au logement des mineurs isolés. »
« Monsieur, on a retrouvé chez vous une vingtaine d’autocollants avec une voiture de police en flammes et inscrit dessus tout le monde déteste la police, vous êtes anarchiste ?!! »etc.
Et ainsi débute l’audience des deux enfarineurs de David Kimelfeld, président de la Métropole par intérim en attendant le grand retour de Collomb en 2020 (il y tient à son trône, Gégé). Ils ne risquent pas la prison à perpétuité, mais le procès est tout de même rempli de symboles d’une Métropole qui veut à tout prix avoir le dernier mot. L’avocat de la partie civile (un hipster à la moustache douteuse) déclare : « Une volonté de dégrader et d’humilier M. Kimelfeld », « Ce n’est pas politique, c’est un acte de violence », « Violences sur une personne ayant une haute autorité sur les services publics », « Violences, violences, violences, etc. ». Le procureur prend la parole à son tour : « D’impossibilité de lier l’acte politique à l’acte de droit pénal qui est une violence sur la personne », « Même sans ITT ! ». Donc aux oubliettes les revendications, et bien qu’il dise « comprendre l’acte politique pour le logement des mineurs isolés », il finit par demander un mois de prison avec sursis pour une période de cinq ans, en plus du 1 € symbolique demandé par la partie civile. L’avocat de la défense, Me Cormier, leur répond alors : « Que se passerait-il lors des bizutages annuels, si tous les étudiants enfarinés se mettaient à porter plainte », salve de rires. Verdict le 5 octobre.
Maître Cormier leur demande alors :
« Que se passerait-il lors des bizutages annuels, si tous les étudiants enfarinés se mettaient à porter plainte. »
À l’extérieur, au même moment, une cinquantaine de personnes venues soutenir les enfarineurs assistent à une pièce de théâtre jouée sur le parvis du tribunal. Sur la banderole est inscrit : « L’enfarinage est une farce, être à la rue est un drame. » Trois acteurs rejouent l’audience, mais cette fois-ci à l’envers : c’est le procès de la Métropole qui se joue, avec en invité·es plusieurs personnes expulsées des différents squats lyonnais. Pour la plupart, ils viennent d’Afrique. Ayant fui la famine, la guerre et la misère, ils se sont installés durant l’hiver 2017 à Lyon. Ils témoignent de leur calvaire et de la manière, souvent horrible et tragique, dont ils sont arrivés. Ils parlent également de la violence (la vraie) dont a fait preuve la police lors de leurs expulsions : coups dans la gueule, affaires jetées dans des bennes à ordures, toujours en période hivernale. Cerise sur le gâteau, on apprend que Kimelfeld s’était, lors d’une réunion publique, engagé à ne pas expulser un squat où vivaient des mineurs isolés, puis s’est rétracté au profit des systèmes d’alarme. Un bel enfoiré (c’est Coluche qui l’a dit !).
Il faut dire que la Métropole a une dent contre le mouvement squat en général. Celui-ci met régulièrement son grain de sable dans les rouages de grands projets immobiliers et se permet même de pallier les carences sociales des pouvoirs publics, notamment pour héberger des personnes en difficulté durant la trêve hivernale. Alors, quand on rappelle à la Métropole qu’elle ne fait pas son travail, elle réplique violemment — et pas à coup de farine. Une semaine après leur larcin, nos enfarineurs subissent une arrestation musclée en raccompagnant une amie. Leur voiture est immobilisée par la police et ils se retrouvent mis en joue par des agents de la BAC zélés et nerveux. C’est avec tendresse qu’ils sont conviés à visiter la charmante salle de garde à vue du luxueux et grand hôtel de police. L’un reste 24 h, l’autre 9 h. Le squat où ils vivent, La Cabine, est perquisitionné de fond en comble. C’est là qu’on retrouvera les fameux autocollants « Tout le monde déteste la police », qui, durant l’audience, ont comblé de bonheur la juge.
Finalement, la grande question est : qui est le plus violent ? Deux militants qui enfarinent un président qui ne tient pas ses promesses, ou bien une Métropole qui n’hésite pas à foutre des gens à la rue durant l’hiver ? Le ciel nous est tombé sur la tête… Ah non pardon, c’était un coup de tonfa !
Sacha

Retrouvez notre interview des deux enfarineurs réalisée par
Alcinthe Phileste dans notre dernier journal papier
« Luttes Volume 1 ».
Le 5 octobre, les poursuites pour violence, ayant peu de chance d’aboutir,
ont été requalifiées en « Outrage », permettant ainsi plus sûrement
de faire condamner nos boulangers. Un nouveau procès devrait avoir lieu.
À suivre donc…