Itw : Mélanie Limouzin (Cie des Chimères) parle de sa pièce Petite Ourse
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Mélanie Limouzin (Cie des Chimères) parle de sa pièce Petite Ourse
Mélanie Limouzin, comédienne et membre de la Cie des Chimères, nous raconte la genèse et les motivations qui l’ont poussée à développer la pièce de théâtre à destination de la jeunesse, Petite Ourse. À travers ce spectacle de clown, elle aborde un sujet douloureux, propre à son expérience personnelle et à son statut de victime : l’inceste.
Un sujet encore malheureusement tabou dans nos sociétés, dont la prise en charge par les pouvoirs publics est encore insuffisante. Les violences, physiques ou sexuelles, faites aux enfants continuent de faire des ravages dans nos sociétés. L’affaire Betarram est un exemple de l’inaction de l’État face à ces drames.
Petite Ourse est une œuvre poétique, pédagogique et de sensibilisation pour les enfants, mais aussi pour les parents. C’est à travers les mots de Mélanie Limouzin que nous avons le plaisir de vous présenter la Cie des Chimères et d’évoquer cette thématique qui n’est pas toujours évidente à aborder.
1- Pour commencer, pouvez-vous vous présenter, ainsi que la Compagnie des Chimères ? Combien êtes-vous au sein de la troupe, et quels sont les thèmes abordés par vos pièces (en dehors d’Une Petite Ourse ) ?
La Cie des Chimères travaille professionnellement et avec passion à la création et à la diffusion de spectacles vivants depuis 2010. Ce qui anime les membres de la compagnie :
- Parler de choses qui leur paraissent importantes à travers différents types de langages
- Traduire de façon artistique, poétique, les choses qui les bouleversent.
Le clown leur permet de dire beaucoup car, en tant que poil à gratter de la société et révélateur de nos défauts, il facilite une mise à distance avec la réalité. Le décalage et l’humour permettent de dénoncer sans être moralisateur. Les comédiennes s’autorisent aussi à dire autrement, avec le corps, les mots, la chanson, la musique…
Ce qui importe, c’est de toujours garder à l’esprit que les choses ne sont pas noires ou blanches et il s’agit de montrer toutes les nuances de gris : l’être humain est pétri de contradictions. Chacun d’entre nous peut être porteur de bienveillance et de violence. Toutes les humeurs sont potentiellement en chacun de nous. C’est ce qui nous semble important de donner à voir : la complexité de l’être. Dans cette dynamique, La Cie des Chimères a produit et diffusé neuf spectacles hybrides et engagés.
2- Une Petite Ourse est un spectacle clownesque à destination du jeune public, qui traite d’un sujet particulièrement difficile : l’inceste. Pourquoi avoir choisi d’aborder ce thème à travers une pièce de théâtre ?
Ce projet m’est apparu évident dans mon parcours thérapeutique personnel. Après ma prise de conscience de mon statut de victime, étant comédienne professionnelle, je me suis dit dans un premier temps que rendre publique mon histoire m’obligerait à en parler. Dans un deuxième temps, c’est pour lutter contre le tabou dans la société. Il m’a toujours paru important que les artistes se servent de leur art pour faire réfléchir. Nous sommes des portes-drapeaux de première ligne.
3- De manière générale, quelles sont les réactions du public — aussi bien des enfants que des adultes — face à cette pièce ?
Beaucoup d’émotions sont manifestées à la fin du spectacle. Souvent, les gens sont soulagés de voir que le propos est traité de manière douce et que la double lecture permet à tous les âges de voir le spectacle sans se sentir mal à l’aise. Les réactions dépendent aussi de l’histoire de chacun-e.

4- Avez-vous déjà reçu des témoignages de victimes d’inceste à la suite de vos représentations ? Bénéficiez-vous du soutien des pouvoirs publics ou d’associations spécialisées ?
Souvent des personnes viennent me remercier et sans forcément s’exprimer, il y a une forme de reconnaissance entre victimes. Parfois des courriers plus tardifs arrivent aussi. Notre spectacle est reconnu par nos financeurs (notamment le département) mais on ne peut pas dire qu’il y ait une structure extérieure qui le promeut particulièrement.
5- La compagnie se produit régulièrement en Ardèche. Avez-vous également présenté la pièce dans d’autres régions ?
Oui, nous avons joué en Haute-Loire, dans le Rhône, en Mayenne et dans le Nord, au tribunal judiciaire d’Avesnes sur Helpe. C’était très intéressant.
6- En complément du spectacle, un livre intitulé Bisous interdits, réalisé par Joël Relier, est également proposé. Pouvez-vous nous en dire plus sur cet ouvrage et son illustrateur ? Où peut-on se le procurer ?
Ce livre a été voulu pour que les spectateurs puissent amener à la maison un outil pour retraverser l’histoire sous un autre format. Joèl est venu sur les temps de résidence de création du spectacles pour s’inspirer et faire des recherches. Il se trouve que des éditrices ont accroché avec le projet et nous avons aussi beaucoup travaillé avec elles pour l’écriture et l’illustration. Le livre se trouve dans toute la France, dans toutes les bonnes librairies !

7- L’inceste a longtemps été un sujet tabou dans notre société. Pensez-vous que la parole se libère aujourd’hui ? En tant qu’ancienne victime, estimez-vous que l’accompagnement proposé par l’État et les services sociaux est suffisant ?
Je crois qu’il est moins dur aujourd’hui d’en parler mais les gens sont démunis, personne ne sait quoi faire de ce sujet! La déconstruction d’un tabou est une chose très compliquée et celui-là vient secouer toute la société, notamment la question de la place des hommes. Les avancées actuelles sont très fragiles et pourraient être très facilement balayées. On a bien vu avec la CIIVISE : des personnes très pertinentes qui ont mis en avant l’inceste ont été mises au placard et finalement la commission a implosé; il n’existe plus rien aujourd’hui. Non, l’Etat n’est pas en face du problème et les services sociaux sont tellement mis à mal par nos politiques publiques que même avec toute la bonne volonté du monde, personne n’arrive à faire correctement son travail. Il y a une vraie souffrance des travailleurs sociaux.
8- Ce n’est pas tout à fait de l’inceste, mais avez-vous un avis sur l’affaire Betarram, le silence des pouvoirs publics et le rôle joué par François Bayrou dans ce qu’on appelle une « mise sous le tapis » ?
C’est tellement aberrant de voir nos dirigeants mentir sans conséquences ! C’est tellement révélateur de la santé de notre démocratie! Je comprends que les gens arrêtent de voter. Je suis tellement déçue des positions des hommes et femmes politiques.
9- Envisagez-vous de développer d’autres projets autour de cette thématique dans un avenir proche ?
Je ne sais pas trop comment va évoluer ma carrière artistique mais je trouve important de garder le côté « dire tout haut ce que les autres pensent tout bas », propre aux clowns.
10- Enfin, pour conclure, quelles sont vos prochaines dates de représentation ?
Nous avons un projet pour 2026 en Ardèche avec des écoles et des médiathèques. En attendant, c’est plutôt calme en ce qui concerne ce spectacle. Mais nous travaillons pour que 2026 et la suite soient remplies de dates pour « Une Petite Ourse » !!!