La Plume du Coq : Le paradoxe de Zenon
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Le paradoxe de Zénon
La Plume du Coq s’acoquine avec Foutou’art pour nous régaler de leur prose débridée, leur philosophie mordante et leur écriture à mourir de rire, grivoise et sans filtre ! Un grand merci à eux pour ce vent de fraîcheur créatif dans nos colonnes.
Si leur texte vous a fait hurler de rire, foncez sur leur site pour plonger dans un univers aussi barré qu’inspiré, avec une patte littéraire affûtée comme jamais !
Le philosophe est maître de son raisonnement ! À moins que ce ne soit l’inverse ? Petite interrogation que nous traitons avec ironie dans Le Paradoxe de Zénon, où un brave gars tente de concilier grande pensée et instincts primaires… avec une application des plus concrètes. Dans ce texte, comme les grands penseurs, nous mettons les belles lettres au service de la réflexion… et d’un bon moment de franche absurdité !
Chez La Plume du Coq, c’est pour des gauloiseries que nous faisons de la littérature.
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La philosophie, c’est une chose fine qui n’est pas à mettre entre toutes les mains. Par exemple, les grosses mains de mon copain Jeannot : elles ne sont pas faites pour. Ce sont des paluches ouvrières, faites pour pétrir, fraiser, fourbir ou meuler. Certainement pas pour tenir du papier grec. Mais enfin, il ne risquait rien à essayer. Et c’est ce qu’un jour sa femme se mit en tête.
Ce jour, donc, le Jean-Jean tentait d’obtenir de sa moitié quelques faveurs érotiques. Mais, hélas ! il donnait peu dans la romance, et on pouvait dire de ses avances qu’elles étaient plutôt cocasses.
Avant que de reprendre notre fil, examinons l’une de ses formules : « viens ici que je t’enfile, viens là que je t’encule ! » Vous comprendrez que cet idiot n’est pas Victor Hugo ! Bref.
La mégère, refusant de céder à si mauvais compte, maudissait son air ahuri : « Tu es un crétin ! Un lourdaud ! À l’abri de toute intelligence ! Ce serait ma chance que mon mari s’exprime avec un peu plus de philosophie ! »
Le pauvre homme, las de recevoir tant de coutelas, décida de prêter de l’attention à cette virulente réclamation :
– Qu’est que tu veux dire que j’y fasse ?
– Va donc au café philo, mon bien aimé mari, et reviens-moi avec des mots doux et une littérature réfléchie. Apprends que la femme jouit par l’oreille et par l’esprit ! Et moi ? Ho ! Si seulement je pouvais entendre de toi un raisonnement plutôt qu’un haro sur mon fondement…
Déjà curieux de découvrir du vocabulaire – comme le verbe jouir – et de savoir que l’affaire aurait lieu dans un bistrot, le Jeannot fut conquis par l’idée. S’il avait l’esprit grossier, il n’en était pas moins empli des véritables sentiments, et tenait plus que réellement à assouvir les désirs de sa compagne.
Alors, le lendemain même, il était à la réunion. Certes, il n’avait pas pris un café, mais un litron… N’empêche qu’il y était. Un jeune homme, gauchement vêtu, prit la parole :
– Mesdames, Messieurs, merci pour votre présence. Aujourd’hui, nous allons débattre du paradoxe de Zénon d’Élée, de la pensée de Parménide, de l’immobilité de l’être, et de la philosophie bergsonienne sur le mouvement comme réfutation vitaliste de ce pythagorisme.
Jeannot crut défaillir. Qu’allait-il faire dans cette galère ? Il rassembla ses dix gros doigts sur son menton, et prit sur lui de faire une phrase élaborée, puisant dans ses ressources lointaines et son école passée :
– Monsieur du Corbeau, que vous êtes joli, que vous me semblez beau, mais pouvez vous répéter tout cela, sans en faire tout un fromage ? Le philosophe était décontenancé par l’absurdité de cette question, mais comprit tout de même que son phrasé bien policé venait d’infliger une terrible blessure à cet auditeur. Il était là, après tout, pour enseigner à tous, sans distinction de classe ou de culture.
– Fort bien… Nous allons nous demander si le mouvement est possible en examinant une réflexion exemplaire : celle d’un certain Monsieur Zénon.
– Vous voyez, c’est plus clair quand vous ouvrez un peu moins votre large bec ! Le philosophe se prit pour insulté, mais, étant philosophe, il garda parfaitement son calme. Et n’étant que philosophe, il valait mieux pour lui. Alors, il reprit :
– Zénon d’Élée proposa un jour le raisonnement suivant pour démontrer qu’il ne peut y avoir de mouvement. Un archer tire une flèche sur une cible. Pour l’atteindre, elle doit parcourir la moitié du trajet avant que de parcourir l’autre. Vrai ?
– Vrai !
– Mais avant de parcourir la moitié du trajet, elle doit parcourir la moitié de la moitié du trajet. Vrai ?
– Vrai !
– Mais avant de parcourir la moitié de la moitié du trajet, elle doit parcourir la moitié de la moitié de la moitié du trajet. Vrai ?
– Vrai…
– Mais avant de parcourir la moitié de la moitié de la moitié…
– Ah non ! C’est lassant Zénon !
– Certes ! Vous l’aurez donc compris. Cette réflexion sur le mouvement nous conduit à ce paradoxe : tout mouvement est impossible, car la division d’une trajectoire nous la fait voir comme infinie. Toute distance se divise en une infinité de plus petites distances, qui s’additionnent. Or, aucune chose ne peut parcourir l’infini. Donc, jamais la flèche n’atteindra la cible, telle est le paradoxe de Zénon d’Élée ! Parlons maintenant de Bergson, du mouvement et de la durée dans leur simplicité…
Mais c’était trop à encaisser pour le Jeannot qui devait déjà digérer cette nouvelle information avant que d’approfondir la question. Par ailleurs, il devait, en plus, digérer les bières qu’il ingurgitait dans l’espoir de faciliter sa compréhension, sans forcément s’apercevoir de l’incompatibilité des entreprises. Néanmoins, il alla jusqu’au bout du débat philosophique, entendit les arguments de chacun, remercia chaleureusement son professeur, ses camardes du soir, et le garçon de café. Il s’en retourna, ivre de sagesse, auprès de sa moitié (indivisible, celle-ci).
– Mon épousée ! Où es-tu que je te trouve ? J’ai de la bonne philosophie pour tes oreilles jouisseuses ! Madame n’aurait jamais pensé que l’énergumène prendrait avec un tel sérieux sa volonté. Elle avait hâte de l’entendre disserter – qui sait ? – sur l’Être et le temps, sur l’Être et le néant, qu’importe au fond, pourvu qu’il disserte.
– Mon amant, mon aimé ! Mon lien de Némée ! Je me sers sur un plateau si tu me parles de Platon ! Je te gratte le scrotum si tu me parles de Socrate !
– Je vais te parler de Zénon !
– Zoh oui ! Zénon ! Déjà conquise par de tels progrès, elle se laissait avoir par quelques embrassades langoureuses. Mais elle ne pouvait se satisfaire d’un simple nom, elle voulait de la philosophie, de la réflexion.
– Alors ? Zénon ? Que peux-tu m’apprendre ? Je veux une démonstration !
– Je vais te faire une réfutation ! Tourne-toi et baisse ton froc, je vais t’en donner de la philosophie ! Surprise, elle s’exécutait. Et lui, ça y’est, il dissertait : « Tu vois ça ? C’est ma bite ! Et ça, c’est ton trou de balle. Eh bien d’après Zénon, ce que je m’apprête à faire est IMPOSSIBLE ! »
Depuis, elle l’a réorienté sur la poésie.
