La Plume du Coq : Le village de Potemkouille
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Le village de Potemkouille
L’expression « village Potemkine » désigne un trompe-l’oeil réalisé à des fins de propagande en raison d’une légende historique russe. Mais la légende est incomplète. Voyez plutôt !
Que n’a-t-on pas dit sur le pauvre ministre Grigori Potemkine ? Ce personnage a fait construire un village entier en carton-pâte, dans le but de faire croire à l’impératrice Catherine II que la Nouvelle-Russie était prospère. Ainsi, lors de sa visite, elle put admirer les splendides façades sans rien apercevoir de l’infortune crasse dissimulée derrière. Si Grigori Potemkine est un diable, alors, que devrions-nous penser de son ignoble cousin, le secrétaire d’État Grégoire Potemkouille ?
Les tromperies de ce dernier n’ont point d’égal. L’histoire est peu connue, mais Catherine n’était pas venue seule observer la Crimée. Son fils, Paul 1er, trente-trois ans lors de cette fameuse année 1787, avait également ses inspections à mener sur ce territoire. Car l’impératrice, toute soumise à l’étiquette qu’elle était, ne pouvait point paraître en certaines sociétés. Aussi, chargeait-elle le dauphin d’ausculter les appendices nocturnes de la cité, et d’en revenir avec un diagnostic quant à l’état de santé de la commune. On juge l’âne à sa croupe, il faut donc la lui flatter, on ne se contente pas de voir qu’il broute. Au petit matin, un valet présentait le froc du prince à sa mère. Et pour vérifier l’accomplissement de la tâche diplomatique, elle y comptait dessus les tâches de trique.
Tout cela, le vil secrétaire d’État le savait, et ce faussaire se faisait le devoir obscène d’inséminer l’idée selon laquelle les bordels de la Nouvelle-Russie étaient bien lustrés. Ce pour quoi, une fois la nuit tombée sur la fausse face du village Potemkine, on leva le voile sur les fausses fesses du village Potemkouille.
Le secrétaire d’État avait donc érigé – derrière un faux boulevard, dans une fausse ruelle, sur les fausses bâtisses –, de fallacieuses enseignes. De là, on aurait pu croire pouvoir passer de folles soirées au « Gros-pé-Tsar » ou au « Rasse-peau-de-pine ». Mascarade ! Bien sûr, car seul le « Mosco-bite » avait été aménagée au-delà du panonceau. Évidemment, l’infâme Potemkouille promettait à son hôte que ce bouge était le meilleur des établissements : qu’en son seul sein les seins sont saillants, selon la formule consacrée. Tout alla de telle sorte, que c’est ici qu’ils sont entrés.
C’est dame Olga la gloutonne qui accueillit le prince, une matrone fictive qu’une comédienne sans renom incarnait pour l’occasion. Celle-ci, bien dans son rôle, glissa quelques mots scabreux à l’oreille de Paul : « on veut tremper popol ? J’ai de belles brunes pour tes burnes, et une rouquine pour ta pine ! » Le trait était tiré par la plume de Potemkouille, qui avait tenu à rédiger lui-même les dialogues de ce théâtre d’ombres. Notez bien qu’on est loin des Frères Karamazov de Fiodor Dostoïevski ! Mais ce grand auteur n’était pas encore né en Russie !
Une ribambelle de croupions s’aligna sans distinction face à l’empereur héritier. Mais forcément, aucune des dames n’était professionnelle. On les avait tirés de leurs travaux aux champs ou de leurs soins maternels pour qu’elles jouent les filles de joie face à l’énergumène. Et lui, de demander : « celle-ci me plaît, puis-je l’essayer ? » Mais Potemkouille qui répondait : « certainement pas, elle est plombée ». Il continuait : « et cette poule, elle est belle », et l’autre de rétorquer : « mais elle a aussi de plomb dans l’aile ». Ainsi allait le manège : « – et cette dame ? – Elle eut trois fils ! – Alors, cette femme ? – La syphilis ! »
Tout était prévu pour déterminer les goûts du Paul sur la seule petite qui, sous le joug de Potemkouille son complice, avait peaufiné son jeu d’actrice. Tout alla de telle sorte, que le prince arrêta sur ladite, le choix de son escorte.
Le client prit les escaliers pour se diriger vers les chambres. Or, une seule était aménagée. Alors, le fétide fonctionnaire, usant de stratégies et d’artifices, guida le dauphin vers la bonne pièce : « – Peut-on visiter l’étage ? – Visitez plutôt la fille ! – Où est la cheminée ? – Vous la ramonerez ! – Derrière cette porte, qu’est-ce ? – Ma maîtresse ! – Et derrière celle-ci ? – L’amour de ma vie ! ». Tout alla de telle sorte, que le prince arriva au seuil du seul endroit capable d’accueil.
Le turpide Potemkouille entra avec Paul et la théâtreuse dans la chambre fallacieuse. C’est que le rusé craignait que la fille ne fasse une bourde et qu’elle trahisse le complot. Mieux valait s’assurer de son rôle que de prendre trop de risque. Mais le prince, goûtant peu de ce pain : « Hey, vilain, vous n’allez pas me tenir la main ». Alors, le secrétaire disait : « Pour vous installer, un petit coup de main ? ». Désormais, on connaît les répliques : « – Je voudrais vous voir dehors sans débat ! – Je vous aide, simplement pour les bas ? – Je m’en sortirais bien seul avec cette sotte ! – Je vous aide juste pour la culotte ! » Tout alla de telle sorte, que le prince n’eut rien à faire, c’est Potemkouille qui mit la fille à l’air.
Le complot ourdi par le secrétaire n’avait pas de fin. Fallait-il forcer la folie du faux jusqu’à foutre des couffins dans les mamelles ? Le premier sein refait de l’histoire humaine allait être pétri par une main souveraine. Mais le stratagème était grossier, il fallait donc encore éviter au prince de s’en apercevoir. Ce pourquoi, l’infatigable Grégoire, pour dérober la poitrine à la vision princière, s’en alla éteindre les lumières. « – Pourquoi me cacher ainsi les fruits de cette jeune fille en fleur ? – À l’aveugle, c’est bien meilleur ! – Certes, mais allez-vous enfin sortir ! – Bien sûr, j’allais justement partir ! » Mais ce n’était qu’un énième mensonge, car l’homme d’État fit semblant de quitter la pièce. C’est très discrètement qu’il revint au chevet du couple accomplir un dernier méfait.
Le dauphin s’exclamait : « Ce sein est rond, qu’il me semble bon ! qu’il me semble fécond, tendez-moi vos fesses » et, tandis qu’il mettait la fille en position, il enlevait son pantalon. Mais elle, dame de ferme, n’avait point cette profession. Aussi, jamais n’aurait-elle accompli cette passe, et, pour cause, c’est Potemkouille qui la remplace. Profitant de l’obscurité, il échangea sa croupe contre l’autre fessier, et le présenta à l’empereur. Tout alla de telle sorte que ce dernier prit celui-ci par erreur.
Au petit matin, un valet porta le froc impérial à l’observation de Catherine II. Elle avait hâte de juger de la qualité des nuits qu’offrait la Nouvelle-Russie. Quand elle vit la culotte, elle y compta les tâches, avant de s’exclamer de la sorte : « Dites donc ! Hier, nous avons vu un village florissant, des rues pavées, des façades peintes. Quelle fortune fait ce village et sa société ! Que vois-je aujourd’hui ? Mon fils l’héritier a goûté de la qualité des nuits. Et mon instinct est confirmé : les bordels aussi connaissent la réussite ! Voyez combien ce pantalon est maculé de bite ! C’est signe d’une soirée besogneuse. Car, dites-vous, dans une maison désastreuse, pour faire autant de tâches, il faudrait s’y mettre à deux ! »