Littérature : Itw de Marc Chinal, auteur du livre « Un monde à députifier » (par Sacha)

 

 

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Marc Chinal vient de publier « Un monde à députifier » aux éditions RJTP. Artiste, écrivain, journaliste et homme politique, il milite depuis de nombreuses années contre notre système monétaire et espère voir un jour l’Humanité changer de paradigme, pour proposer une société de l’accès à tous dans un monde sans argent et sans système bancaire ou boursier. Selon lui, cette remise à zéro instaurerait une égalité totale pour tous les êtres humains, tout en destituant les forces économiques et politiques responsables de la destruction de la planète et de nos sociétés. Afin de développer ses idées, il a créé pour son livre un alter-égo, Lanich Cram. Le résumé : à l’occasion de la sortie du livre du même nom, Lanich Cram est interviewé par un journaliste récalcitrant et condescendant, qui conteste l’idée que le « monétisme » soit la cause de tous nos maux. De mon côté, j’ai lu ce livre avec une grande rapidité, surpris par la fluidité du texte malgré la diversité et la complexité des thèmes abordés : politique, économie, sociologie, etc. Pas besoin d’être un passionné d’économie pour apprécier ce livre, l’auteur a réalisé un travail remarquable de vulgarisation. Un grand merci à Marc Chinal d’avoir pris le temps de répondre à nos questions, et nous espèrons que cette interview vous encouragera à lire « Un monde à députifier », ainsi qu’à découvrir ses autres œuvres et éditions !

 

 

 

1 – En octobre 2023, tu éditais « Un monde à députifer » aux Éditions RJTP. Avant de nous parler de ton livre, peux-tu nous présenter cette maison d’édition dont tu es également l’éditeur ?

Les éditions Réfléchir n’a Jamais Tué personne sont là pour agiter de manière constructive et pacifique, les neurones.

Après, ça prend des formes différentes : BD, essais, poésie décalée, etc. et plusieurs auteurs différents interviennent.

 

 

2 – « Un monde à députifier » est signé Lanich Cram, du même nom que le protagoniste principal du livre. Est-ce un alter-ego ? Peux-tu nous expliquer ce choix et nous confirmer que c’est toi, Marc Chinal, qui as écrit le livre ?

C’est juste un jeu de miroirs. Ce n’est pas moi, c’est l’autre 🙂

 

 

3 – Artiste/auteur, journaliste de Lyonvidéos.fr, homme politique plusieurs fois candidat à Lyon, chanteur (Disthène), tu es un touche-à-tout ! Pour ceux qui ne te connaissent pas encore, peux-tu nous parler de toi, de tes engagements, de tes publications et de tes créations ?

En fait, non. D’abord parce qu’en général, les personnes qui s’essayent à plusieurs domaines sont difficilement acceptées par le public, surtout en France où on aime bien maîtriser les étiquettes et les cases. Et d’autre part parce qu’un « créatif » n’a pas à commenter ses créations, sauf si elles sont incomplètes. Mais dans la majorité des cas, tout est dit dans une création. Donc, silence après 🙂

 

 

 

 

4 – Dans « Un monde à députifer», le protagoniste Lanich Cram est interviewé par un journaliste plutôt hautain et condescendant peu convaincu par le livre. Est-ce que cette situation est basée sur une expérience réelle ou est-ce purement fictionnel ? En tant que candidat décroissant lors d’élections, as-tu ressenti ce type de posture vis-à-vis de tes idées et tes arguments ?

Oui, c’est une compilation de réactions de personnes avec qui j’ai pu discuter sur les sujets traités.

Oui, lorsqu’on parle « décroissance » le 1er réflexe c’est « ah, vous voulez le retour à la bougie ! » avec un sourire narquois.

Commence alors l’explication sur « qu’est-ce que la croissance d’un PIB, ce que ça implique, pourquoi c’est obligatoire en restant dans un système monétaire, qu’est-ce que la notion de richesse, celle de confort, etc. »

Et en général, la personne qui se croyait maline à comparer les raisonnements liés à la décroissance, à un retour à la bougie, se retrouve « fort dépourvue lorsque l’hiver de ses pensées fut venu »

 

 

5 – Avec ce livre, cherches-tu à remettre en question les stéréotypes sur l’écologie ? Lanich Cram est un décroissant. Pour ceux qui ne connaissent pas ce concept économique/politique, pourrais-tu nous expliquer en quoi il diffère des autres formations politiques ?

Les décroissants (je préfère le terme d’objecteur de croissance), ont compris qu’une croissance infinie des consommations, dans un monde aux ressources limitées (celles de la planète), est une aberration.
Les autres formations politiques qui défendent la croissance (verte ou pas), sont donc dans le déni des réalités physiques et mathématiques des courbes exponentielles. Que dire de plus ? Que la plupart des citoyens n’ont pas été formés correctement pour savoir ce qu’est une courbe exponentielle et ses conséquences lorsqu’elle représente l’orientation de l’économie d’une société toute entière ? Ben oui. Tout le monde s’en fout, alors que tout le monde est indirectement mais factuellement soumis à tout ça. Résultat ? Tout le monde se plaint mais accuse le voisin d’être la source des problèmes…

L’autre foutage de gueule généralement pratiqué, est de dire « Oh mais vous voulez que les pauvres soient encore plus pauvres ? ».
Seulement la décroissance, c’est en général pour ceux qui abusent en sur-consommant, autrement dit la surconsommation des riches. Mais comme seuls « les riches » ont le droit à la parole dans les médias, ils colportent cette bêtise que « la décroissance va nuire aux pauvres » pour que les pauvres s’opposent aux gaspillages des riches. Amusant non ?

Reste le problème qu’en continuant à promouvoir une société basée sur la monnaie, les pauvres ne rêvent souvent que d’une chose : « devenir riche ». Dans ces conditions, comment s’en sortir sinon en remettant tout à plat sur la table, tranquillement ?

 

 

6 – Si on connaît ton travail, on se rend compte que ce livre est plus « mordant » et osé dans le ton qu’à son habitude. D’ailleurs, tu intitules le livre « Pamphlet irrévérencieux mais bienveillant avec de l’innovation solutionnaire dedans ». Comment expliques-tu cette plume acerbe et sans concession, et qu’attends-tu comme réaction de la part de tes lecteurs ?

Quelle réaction ? (rires) N’importe laquelle mais au moins une réaction au lieu du mépris.

Depuis des décennies je fais partie de ceux qui portent les points de vue postmonétaires, et depuis des années je suis « gentil », veux participer à la vie de notre société, mais… le vide. En face, c’est le vide. Intersidéral.
Pas le moindre contre-argument, pas le moindre débat.
Rien. Même en participant respectueusement au jeu des élections.
Alors maintenant j’essaie la provoc. Mais toujours avec de l’humour car si finalement c’est le destin de l’humanité de s’autodétruire, et bien… comme dit le titre d’un livre d’un autre auteur : « le dernier qui s’en va éteint la lumière ».

Si l’humanité est trop hors sol et reste dans le hors sol, qu’elle assume son destin. (traduction cynique : si l’humanité est trop conne pour survivre à elle-même, qu’elle crève).
Mais bon, en attendant, j’essaie la provoc bienveillante pour construire une suite plus sereine que le chaos. 🙂

 

 

7 – Sur une centaine de pages, tu arrives à aborder énormément de sujets avec une fluidité impressionnante : philosophie, économie, écologie, sociologie, politique, etc. Mais selon toi, toutes les problématiques actuelles sont-elles liées au système monétaire, ou plutôt au « monetisme » comme tu aimes le citer ? Comment est-ce que le « monétisme » influence les différentes problématiques abordées dans le livre ?

Quel est le domaine lié à l’humain, échappant à la logique monétiste ? (monétisme = obligation d’utiliser de la monnaie)

Je n’en connais aucun. Evidemment il y a des assos loi 1901 (sans but lucratif) mais sont-elles non dépendantes des budgets ?
Non.

Evidemment, entre humains de bonne volonté, pas besoin de monnaie pour faire certaines choses, mais au final, si on a un chez soi, on devra payer, donc on reste avec le fil à la patte nommé « monnaie ». Sans argent on est exclu. Systématiquement la monnaie intervient, que ce soit dans l’éducation (les savoirs), dans la démocratie, la santé, la nourriture, la sécurité, etc. Ceux qui renient ces états de fait, sont à mon avis « hors sol ».

 

 

 

8 – Dans le livre, Lanich Cram explique au journaliste, qui a de plus en plus de mal à suivre au fil des verres de cognac qu’il se met dans le groin, que les catastrophes sociales et écologiques ainsi que la décadence de la société (agressions, vols, etc.) sont dues à trois axes économiques spécifiques : la rareté relative à la monnaie, la croissance obligatoire que tu considères comme mortifère, ainsi que la vitesse de rotation monétaire. Peux-tu nous expliquer ces choix économiques et leur impact sur le monde ?

Je peux expliquer la suite logique qui mène à cette folie mais je ne peux pas expliquer pourquoi ce « choix » de rester dans cette économie débile ! Sinon l’expliquer par un manque de connaissances des impasses liées à l’usage de monnaie. Nous avons tous trop le nez dans le guidon. Il faut faire un pas de côté et nous voir dans un miroir le moins déformant possible.

Il y a aussi ce sentiment de « peur du changement » lorsqu’on a dans la tête le sentiment que « finalement tout ne va pas si mal… »

La rareté relative de la monnaie ? Elle pousse logiquement à la « rentabilité » donc à l’écrasement des coûts.
Oublier cette obligation de rareté relative ? ça revient à faire de la « monnaie de singe » (pardon pour les singes qui n’ont rien demandé dans cette histoire). Et l’économie s’effondre. Car on n’échange pas (la monnaie est un troc amélioré) contre quelque chose qui ne vaut rien. Ramasser de vulgaires cailloux sur le sol pour échanger, ça ne fonctionne pas. Si ces cailloux sont des pépites d’or, là, l’échange peut s’envisager…

La croissance du PIB ? Obligatoire pour financer les marges commerciales et les remboursements des intérêts privés liés aux dettes. Mais peut-il y avoir une croissance du PIB sans croissance des consommations d’énergie et de ressources ? Non. On peut optimiser certaines consommations mais au final, il faut toujours plus de consommations. Jusqu’à extermination de toutes les ressources.
En gros, si vous achetez quelque chose à 100, et que vous devez le revendre à 105, d’où vont venir les 5 ?
Créés suivant l’ordre du grand perlimpinpin ? ça, c’est faire tourner la planche à billet, ça dilue la valeur (sauf pour le dollar qui est toujours autant demandé parce qu’il y a dictature au niveau du commerce international). Et si on dilue la valeur, alors ce ne sera plus 5 de marge qui seront nécessaires pour vivre, mais 10, 20, etc. dans une course sans fin qui ne change strictement rien à cette course à la croissance du PIB qui elle, permet de trouver ces 5 en plus, par de la consommation supplémentaire ou par de l’endettement supplémentaire.
Je résume tout ça, et ça doit être incompréhensible. Mais dans le bouquin c’est mieux expliqué.

La vitesse de rotation monétaire ? Et bien si on fait des biens de consommation qui durent très longtemps, ceux qui les fabriquent sont au chômage. Donc l’économie s’effondre. On est prisonnier là encore de « consommer toujours même sans besoin », sinon pas de salaires, pas de taxes sur les consommations qui financent les services publics, etc.
L’exemple qui rejoint aussi la problématique des PIB, c’est qu’une machine à laver qui dure 50 ans, entraine « de l’argent pour le PIB » la première années où elle est achetée, mais après, plus rien. Pas de salaire pour le fabriquant, pas de taxe de consommation, pas de financement des services publics.  Conclusion : un monde monétaire est un monde à députifier, en construisant une société postmonétaire, sans monnaie ni troc ni échange.

 

 

9 – Au cours de l’interview fictive, Lanich Cram fait allusion à un sujet qui nous concerne tous : le système de retraite, qu’il qualifie de manière provocatrice de « système de pute ». Il suggère que les conditions de vie poussent les gens à mourir prématurément (malbouffe, pénibilité au travail, stress, addictions, etc.). Peut-on établir un lien (bien que quelque peu tordu) entre notre système de prise en charge de fin de vie de plus en plus dégradé et indigne pour nos seniors, et les projets de loi sur le suicide assisté ? Est-ce que cela implique que ceux qui ont les moyens auront la possibilité de terminer leur vie paisiblement, tandis que les autres seront poussés vers des conditions de vie si difficiles qu’ils n’auront d’autre choix que le suicide, un peu à l’image du film Soleil vert ?

D’abord, j’engage les lecteurs à lire les explications liées à « le système des retraites est un système de pute » car sorti du contexte, on ne comprends strictement rien.

Ensuite, sur le sujet du suicide assisté, je ne sais quoi en penser. Il me semble que chacun doit avoir la maîtrise de son corps, que ce soit pour les femmes et une grossesse, ou que ce soit dans les cas où la souffrance est permanente et sans autre issue.

La loi est à mon avis un cadre pour « le vivre ensemble », pas pour « le vivre avec soi-même ». La vie privée de l’individu doit rester la vie privée de l’individu.

Quant à « Soleil vert », ce chef d’oeuvre : c’est un film sur les océans raclés jusqu’au fond et on y arrive bientôt.
De la à devenir anthropophages… Va savoir… (rires). Mais les humains se « mangent » entre eux (le chiffre d’affaires) depuis déjà longtemps ! Depuis que la monnaie existe.

 

 

10 – Lanich Cram aborde également la question du nucléaire et critique le discours d’Emmanuel Macron qui qualifie cette énergie de « verte ». Comment peut-on encore accepter de telles affirmations trompeuses au XXIe siècle ? Il soulève également la problématique du recyclage des déchets et de la consommation énergétique nécessaire à leur traitement. Dans un contexte de culture du jetable et de produits énergivores, comment pouvons-nous influencer les mentalités alors que le temps pour la survie de l’humanité sur le long terme semble être compté ?

On peut influencer les mentalités en démontrant les décalages avec la réalité, autrement dit en démontrant les manipulations, les mensonges. Mais à condition que les humains aient envie de se voir en face, de comprendre les chaînes de production d’énergie, leurs conséquences, etc. Le nucléaire est comme une religion : ses partisans croient en la maîtrise des risques. Ils se prennent pour des « Dieux ». Seulement voilà, une grosse vague, un bon tremblement de terre, et hop, leurs croyances tombent à l’eau ou sont enterrées.

Tout cela devrait être débattu, avec des arguments factuels, de manière posée, à heure de grande écoute sur les grands médias, comme pour un match de foot ou une allocution présidentielle.
Pourquoi les pouvoirs n’ont jamais accepté cela sinon parce qu’ils n’aiment pas la transparence réelle et totale ?

 

 

11 – Tu compares l’État à un Dracula, un peu comme l’ont fait les inconnus dans leur clip Rap-tout, et au fait que les taxations soient partout, et tu compares l’impôt au sang qu’un vampire à besoin. Pourtant, sans impôt, pas de services publiques ? Tu envisages une redéfinition de se que l’on appelle « État », tu peux nous en dire plus ? Et comment fonctionneraient les services publiques (hôpitaux, écoles, crèches, etc.) dans un monde porte-monnaie ?

Heu… tu ne serais pas en train de me faire passer pour un poujadiste ??? (rires).

Oui, pas d’impôts ou de taxes, pas de services publics et donc, on est dans la merde. Ça rejoint les explications sur la vitesse de rotation monétaire. Mais l’Etat n’est pas un Dracula. Ou alors nous sommes tous des Dracula qui devons avoir notre dose d’argent pour pouvoir survivre. L’argent est le sang de l’économie actuelle. Mais il existe d’autres « essences » pour faire fonctionner la coopération entre les humains, et elles passent par l’augmentation des connaissances : connaissances de la nature humaine, connaissance de ses besoins, de ses limites, des besoins des autres, de la culture, etc.

« Services publics » ou « services privés », si on enlève la motivation du salaire (de la monnaie), qu’est-ce qui reste ? Rien ?
Je ne pense pas.

Certains font déjà de la production de nourriture sans monnaie, et organisent des « marchés gratuits ». ça fonctionne. Mais qui en parle ? Sûrement pas les médias soutenant l’économie monétaire.

 

 

 

12 – Ne souhaitant pas dévoiler l’ensemble des sujets abordés dans le livre « Un monde à députifier » aux lecteurs qui auront la chance de le découvrir, peux-tu nous indiquer comment se le procurer ? Est-il disponible en librairie ? Et pour conclure, as-tu un dernier message à adresser à nos lecteurs ?

Le livre est dispo dans toutes les bonnes librairies qui le commandent, surtout sur Lyon car la livraison ne coûte pas cher (à vélo par moi-même). Ailleurs c’est plus problématique car les libraires ne connaissant pas le livre, n’en commandent qu’un seul et seulement si on le leur commande. Donc… l’acheminement coûte la moitié du prix du livre et personne ne s’y retrouve, sauf la poste !

Par contre, sur le site des éditions RJTP, on peut commander directement le livre.
Chacun décide du chemin qui lui semble le plus respectueux de ses valeurs.

 

 

Propos recueillis par Sacha

 

 

 

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