Presse alternative : ITW de Franck Dépretz, redac’ en chef du Nouveau jour J (propos recueillis par Sacha)
ITW de Franck Dépretz, redac' en chef du Nouveau jour J
Aujourd’hui, nous vous proposons de découvrir le journal le plus impertinent de la région nancéienne, Le Nouveau Jour J! Composé de bénévoles et de journalistes non rémunéré·e·s, le NJJ a fait le pari fou de concurrencer la presse locale, financée en grande partie par le Crédit Mutuel. Avec la garantie d’être 100% indépendant, il est une véritable machine à claques dans un univers médiatique consensuel. Reportages en immersion, dessins caustiques, critiques sociales et foutage de gueule des notables locaux, ces loustics n’ont pas froid aux yeux quand il s’agit de traiter l’actu à contre-courant ! Franck Dépretz, rédacteur en chef du NJJ, nous a fait l’honneur d’échanger avec nous pour présenter son journal pas comme les autres.
1- Depuis quand le journal existe-t-il ? Qui est à l’origine de sa création ? Pourquoi lui avoir donné le nom « Le Nouveau Jour J » ?
Quand je suis arrivé à Nancy en 2009, j’ai participé à un canard étudiant, Le Jour J. Le gars qui l’avait lancé à la fac de lettres voulait faire un truc « fun » qui pouvait sortir n’importe quand. L’année suivante, il a dû quitter la ville. Il a pensé à moi pour reprendre le projet. J’ai ajouté le mot « Nouveau » devant, va savoir pourquoi. Il ne se doutait pas que j’en ferais mon cheval de bataille, que j’allais me démener pour trouver des graphistes, toute une équipe, afficher des posters dans toutes les rues pour annoncer nos sorties, lancer un premier numéro dans tous les kiosques du département en 2013 (le 18 juin très exactement), récolter d’emblée des procès de la mairie et du Grand Nancy (pour affichage sauvage, prétexte pour nous écraser) et être encore là après tout ce temps.
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2- Quels sont les sujets traités ? Qu’est-ce qui vous distingue d’un autre journal de la région ?
Notre première Une résume bien la ligne politique, du moins l’envie : « Faites chier le Crédit Mutuel, Rossinot et les notables ! » Le Crédit Mutuel, parce que cette banque possède l’ensemble de la presse régionale du Grand Est (y compris votre Progrès à Lyon). Et bien souvent, le pouvoir économique a quelques connivences avec le pouvoir politique. Le pouvoir politique à Nancy, justement, c’est André Rossinot, du Parti Radical (de droite), aux manettes de la ville et maintenant de la Métropole depuis… 1983 ! Quant aux notables, tout le monde comprend, non ?
Les rares journaux qui n’appartiennent pas au Crédit Mutuel, en Lorraine du moins, sont faits par et pour des notables. Au Nouveau Jour J, la volonté a tout de suite été de donner le point de vue des victimes de leurs décisions et de celles et ceux qui leur résistent. Ainsi parlait-on, par exemple, de la création de l’Université de Lorraine à travers le récit des femmes de ménage dont les services étaient de plus en plus privatisés. On a parlé — et fait parler — des anciens sidérurgistes de Longwy qui ont vu leurs usines remplacées par un golf, des exilés qui vivent dans une caserne militaire à Nancy et dans un bidonville fait de tentes et de boue à Metz, ou encore des éboueurs. En voilà une sacrée plus-value : un numéro spécial sur les éboueurs du Grand Nancy, en totale immersion avec eux, puisque j’ai passé quatre mois à ramasser les poubelles de la ville comme intérimaire pour une filiale de Veolia, afin de raconter la condition des exploités qui courent derrière les camions-bennes. Et l’envers du décor de la privatisation de la collecte des déchets.
3- Articles, dessins, interviews, etc. : qui réalise le contenu du journal ? Combien êtes-vous au sein de la rédaction ?
Nous ne sommes plus très nombreux… J’ai pas mal ralenti l’activité ces derniers temps. Faire du journalisme local, lancer un titre en kiosques, vendre une partie des stocks à la main (lors de festivals, manifs…), c’est un travail de Sisyphe qui rapporte peu. Hormis des ennuis… Quand on n’a pas une thune au lancement, comme nous, qu’on est juste animés par une furieuse envie de mettre la plume dans la plaie de quelques puissants pour traduire un vieux cri, forcément, ça donne une entreprise quelque peu bancale. Nos choix sont bien plus instinctifs que stratégiques. Le Nouveau Jour J doit rester une œuvre de jeunesse. Éphémère donc. Ce n’est pas encore la fin, mais nous avons dépassé le début, et même le milieu, depuis un bon moment…
Donc, pour répondre concrètement, aujourd’hui nous sommes une toute petite poignée, peut-être à peine une dizaine, si l’on additionne les deux ou trois rédacteurs, les dessinateurs, notre graphiste, notre correcteur, nos vidéastes, tous des gens rencontrés au fil des années et sur qui je sais qu’on peut compter. Surtout si demain, mettons, nous voulons tenter une action forte ou un ultime gros coup… En tout cas, finies les réunions à 25 dans mon 37 mètres carrés. Plus envie de me casser la tête. Il faut se faire plaisir, pour le peu de temps qu’il reste à cette aventure précaire.
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4- La presse papier souffre cruellement d’une perte de vitesse face à la presse gratuite et à Internet. Comment faites-vous pour continuer à exister à travers un journal papier (de surcroît indépendant !) ?
Au début, il y avait tout de même un semblant de stratégie : nous comptions faire une bonne vidéo coup de poing par numéro, diffusée ensuite sur notre site, pour résumer le ton des quarante pages en quelques images. Nous aimons autant l’action que l’écriture. C’est ainsi que nous nous sommes filmés en train de participer au championnat de foot des patrons organisé par la Chambre de commerce et d’industrie, de nous faire jarter par les flics à une séance de dédicaces de Nicolas Sarkozy, ou encore en train de remettre un bleu de travail à Emmanuel Macron lors de sa visite à Nancy, alors qu’il était ministre de l’Économie…
Aujourd’hui, l’expérience m’a malheureusement amené à reconnaître que crier dans un désert de résignation est inutile. Tout ne peut pas reposer sur la communication et le buzz « coup de poing » (Unes provocantes, perturbations d’événements, affichages sauvages…). Il faut malheureusement du fric pour lancer un titre — c’est là la vraie censure en France. Bien que nous n’ayons pas sorti de numéro depuis un petit moment, nous avons beau être dans tous les kiosques du département, nous restons invisibles… Cachés par les dizaines, les centaines d’autres titres — et parfois par les kiosquiers eux-mêmes… C’est déprimant. Si demain je devais recommencer à zéro, je ferais un journal d’apparence lisse, avec un titre neutre, genre Le Grand Est, et beaucoup plus de photos que de caricatures, avec aussi un petit côté revue people pour le côté scandale, gros titres, afin de dénoncer avec force la corruption des élus, la violence ordinaire du monde du travail, le traitement inhumain des réfugiés et sans-abris, etc.
Bref, je reprendrais certains codes de nos adversaires, mais pour les détourner, pour caser du fond toujours aussi impertinent et irrévérencieux, mais à travers un ton plus adapté au grand public. Pour mettre la plume dans la plaie des puissants, en somme, mais cordialement. Un peu comme si Adele reprenait du Rage Against the Machine, tandis que RFM Party 80 chantait en chœur « Vivre libre ou mourir ». En attendant, nous comptons bien boucler encore quelques numéros du Nouveau Jour J et tenter un ou deux coups d’éclat pour finir en beauté. Et dénoncer des situations qui nous tiennent à cœur.
5- Votre journal est irrégulier, c’est-à-dire qu’il paraît quand il peut/veut. Comment pouvons-nous être informés de la sortie d’un nouveau numéro ? Où et comment le trouver/commander ?
Il suffit d’aller sur www.nouveaujourj.fr pour connaître nos sorties (abonnez-vous à la newsletter pour être sûr de ne rien manquer !). Dans la rubrique « Où trouver le NJJ ? » de notre site, vous pouvez commander les anciens numéros ou vous abonner en ligne via le site de la Boutique Militante (www.la-boutique-militante.com). Vous pouvez aussi nous envoyer un mail à contact@nouveaujourj.fr pour recevoir le formulaire d’abonnement.
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Propos recueillis par Sacha
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L’hiver dernier, NJJ TV est passée à Lyon pour suivre les initiatives citoyennes prises dans la ville pour tenter de (re)loger les plus démunis.
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