Réflexion : Où sont les femmes ? (par Leïla)

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Où sont les femmes ?

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En guise de préambule, j’évoquerais l’expérience des psychologues américains Kenneth et Mamie Clark, menée en 1947. Celle-ci a révélée que les préjugés négatifs qu’une classe dominante imposait à une minorité n’étaient pas seulement intégrés par cette classe dominante mais, également par la minorité qui en fait les frais.

L’expérience a consisté à présenter à des enfants âgés de 3 à 7 ans des poupées noires et des poupées blanches en leur demandant de choisir qui était la plus belle, la plus gentille … etc. Le groupe d’enfant à la peau blanche a tout naturellement choisi la poupée blanche. Les enfants à la peau noire, contre toute attente, ont également choisi la poupée blanche comme étant la plus belle et la plus gentille.

Cette caractéristique d’auto-discrimination que l’on retrouve chez toutes les minorités quelles que soient leurs caractéristiques particulières, aux quatre coins du monde, concerne toutes les femmes, quelques soient leurs cultures, leurs langues et leurs religions.

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La femme, dans l’inconscient collectif, reste un objet et avant tout sexuel

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Le décès de Simone Veil aura été l’occasion d’évoquer l’âpre débat qu’il lui aura fallu dominer, pour aboutir au droit à l’avortement. Douloureux ultime recours face aux conséquences d’une éducation qui entretenait les jeunes filles dans l’ignorance de tout ce qui constituait leurs vies sociales autant que privées. Mais les femmes ont-elles une vie privée ? Ont-elles une vie tout court ? Aujourd’hui, au sein d’une société qui bénéficie des protections que nous auront apporté le combat de tant de femmes pour affirmer le droit à leurs vies, à leurs intégrités, à leurs identités et au respect qui va de paire, cette question semble désuète et dépassée, et pourtant !

La femme, dans l’inconscient collectif, reste un objet et avant tout sexuel. Et si elle n’est pas l’objet d’un homme, elle sera celui de tous, comme de toutes d’ailleurs. En fait si un homme sera considéré comme un être entier aussi déficient qu’il soit, une femme par contre reste un demi-être, un truc pas bien fini. Qu’elle élève seule ses enfants, et voilà ses petits des êtres pas bien finis. Comme la violence que l’on infligeait au bâtard, le sans père, le sans nom. C’est tout récent, mon frère aîné a connu ça et je n’ai même pas atteint mes soixante ans aujourd’hui !

Une femme est un être qui pense, qui ressent, qui réfléchit, qui espère, qui souffre, qui produit, qui vit et fait des choix. Rien qui ne porte à polémique à première vue ! Et pourtant la vie sociale révèle en permanence qu’il est toujours bien intégré dans les esprits, que la femme est juste un sexe sensément disponible pour le plaisir ou la reproduction. Alors que jeune femme, on soupçonne ses amis comme ses frères d’être ses amants ; vieillissante, ce sont carrément ses fils qui deviennent des gigolos qui se « tapent » une vieille. Lorsqu’elle repousse les avances d’un homme, le prétentieux la prétendra frigide ou peut-être lesbienne, tandis que le complexé l’affirmera. Offrant à tous des délices sexuels auquel lui seul n’a pas droit. Est-ce que cette effraction dans l’intime choque ? Pas du tout et bien au contraire tous et toutes s’y vautrent avec délectation, sans même se rendre compte que cette pratique est en parfaite familiarité avec le viol. Il est probable que vous pensiez que cela n’est le fait que de quelques médiocres et pourtant, même madame Pompidou, au sein de son milieu de gens cultivés, y a eu droit. Un jeune homme protège une collègue d’une agression sexuelle lors d’une soirée entre confrères et c’est lui qui se retrouve condamné pour violence. De toute évidence, le juge a considéré que l’agresseur initial n’a fait que profiter de son droit de cuissage et que l’en empêcher était condamnable.

Les responsables d’associations d’aide aux femmes victimes de violences tant physiques que psychologiques ne cessent d’être confrontés à cette aberration. Le cas le plus révélateur de cette disposition d’esprit généralisée est sans nul doute le viol, ou la victime en plus du traumatisme qu’elle vient de subir doit, de plus, endosser le costume de coupable. Combien de fois entend-on que la promotion professionnelle qu’a obtenue une femme est le paiement de quelques ébats ? Combien de fois entend-on que telle ou telle acquisition d’une femme ne peut être le fruit de son travail, de son courage et de sa persévérance ? Même mère, la stigmatisation est permanente. Qu’elle décide de prendre quelques années pour s’occuper de ses enfants, et la voilà femme entretenue. Qu’elle accorde beaucoup de temps à une activité professionnelle qui la passionne et la voilà mauvaise mère. Et si elle n’a pas d’enfant, alors là ! Cette misogynie va même encore plus loin puisque certains vont jusqu’à nier la présence de certaines psychose chez les femmes. Cet effroyable héritage de siècles de guerres et de massacres ne peut évidemment pas atteindre une moitié d’être.

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« La femme est l’avenir de l’homme » disait Aragon

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Que des femmes participent à la perpétuation de cet état d’esprit, sous des législations qui font d’elles des objets mobilier ou du bétail, ça peut se comprendre. Les options de survie dans de tels contextes sont bien maigres. Mais sous une législation comme la nôtre, c’est inacceptable. Nous vivons une période de mutation intense et la phase de chaos qu’elle engendre pousse bon nombre d’entre nous à se replier sur des archaïsmes, qui peut-être en leurs temps ont eu du sens (quoi que j’en doute), mais sont totalement contre-productifs aujourd’hui. Puisque seule la fonction reproductrice de la femme semble constituer un intérêt, restons sur ce sujet. L’homme féconde et la femme nourri et protège l’être en devenir. C’est dans cette fonction et en elle seule qu’elle a besoin de protection et non pour une quelconque incapacité à assumer ses besoins par elle-même. Ramener cette réalité à cette simple expression permet de comprendre tout de suite le lien entre le manque d’estime pour ce rôle et la violence que l’humanité ne cesse d’exprimer. Comment peut-on espérer un monde en paix et plus juste quant au sein même des familles, les unes sont par principe considérées comme inaptes ? Comment les femmes peuvent-elle apporter leur pierre à l’édifice de la paix si elles même ne se voient que comme un réceptacle vide de toute valeur et de tout savoir ? Tant que cette anomalie perdurera dans les fondamentaux des relations humaines, il y aura des minorités opprimées, des abus de tous ordres, des conflits et des guerres, et bien des fous au pouvoir.

« La femme est l’avenir de l’homme » disait Aragon. Je pense surtout que tant qu’il n’y aura pas un juste équilibre de la polarité des rôles dans le respect dû à chacun, il n’y aura pas de paix dans le monde. Tout simplement parce que ceci n’est que la conséquence de cela.

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Leïla

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