Art : Interview de l’artiste Green ! (propos recueillis par Spone)
Interview de l'artiste Green !
Un rat géant sur un masque jetable installé sur un toit de la ville pour dénoncer la pollution pendant la pandémie ; un gigantesque cendrier rempli sur l’Esplanade de la Croix-Rousse pour attirer l’attention sur la pollution causée par les mégots ; une raie manta vomissant pneus et déchets. Voici Green, un artiste mystérieux qui installe « sauvagement » ses sculptures en carton de récupération et papier mâché dans la rue pour sensibiliser sur ces problématiques.
Le week-end du 28 mai, Green a attiré l’attention en installant une guillotine grandeur nature sur la place du Gros Caillou à Lyon (4e arrondissement). À la place du condamné, un tronc d’arbre ensanglanté. Sur le flanc de l’œuvre, une inscription : « La peine de mort a été abolie pour l’homme. Qu’en est-il pour l’environnement et son écocide ? »
Des promeneurs curieux, ainsi que le responsable de la destruction de l’œuvre le soir même, le maire du 4e arrondissement, et même des candidats NUPES / Extrême droite aux prochaines élections législatives, ont tous été amenés à réfléchir et à commenter la forte symbolique de l’œuvre.
Entrevue avec l’artiste, qui m’ouvre sa porte et m’offre un café pour éclaircir le sujet :
Peux-tu te présenter et nous parler de ton parcours, de ton art et de ta philosophie ?
Je suis jardinier de formation. Depuis mon enfance, j’ai toujours été passionné par l’environnement naturel ; j’avais des posters d’animaux et tout le reste. Mon choix de carrière s’est donc naturellement orienté vers ce domaine. J’ai commencé à travailler comme paysagiste à l’âge de 18 ans, et cela fait maintenant 20 ans que je suis dans ce milieu. Ma philosophie est de me battre pour l’écologie et l’environnement, ainsi que pour la défense des animaux et des plantes, tout ce qui est essentiel à notre existence. La préservation de la nature est au cœur de mon engagement.
Comment décrirais-tu l’ensemble de ton travail ? Peux-tu nous donner une liste succincte de tes œuvres principales ?
Mon travail se concentre principalement sur le militantisme. Il s’agit d’œuvres qui interpellent dans la rue, visant à changer les mentalités et à ouvrir les yeux des passants. En fait, on pourrait appeler cela de l’art-tivisme.
Voici quelques-unes de mes œuvres principales :
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La Mante Religieuse : Cette œuvre évoque la disparition de 60 % de l’écosystème au cours des 40 dernières années. La mante religieuse, représentée en train de tenir une tête humaine dans sa patte, symbolise l’impact de l’homme sur les insectes et les organismes invisibles, ainsi que le désintérêt pour l’environnement lorsque les créatures touchées sont petites.
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La Raie Manta : Cette sculpture, vomissant une profusion de déchets, fait référence aux continents de plastique dans les océans. Elle rappelle la nature sauvage sous-marine qui ingère les déchets humains et en meurt, soulignant ainsi la gravité de la pollution marine.
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L’Arche de Noé : Inspirée par la destruction de 60 % de la biodiversité, cette œuvre symbolise un lieu où l’on devrait rassembler les animaux pour survivre au déluge, mais l’arche est vide. En dessous, un petit canoë de réfugiés qui va sombrer en mer représente le fait que, si nous continuons à détruire le monde naturel, il ne restera même plus assez pour sauver les espèces menacées.
Quels matériaux utilises-tu ? Ont-ils un lien avec ta démarche de laisser tes œuvres à l’extérieur, dans l’espace public ?
Oui, tout le carton que je récupère provient de l’arrière-boutique d’un grand magasin de sport. Je le récupère et le recycle pour mes créations, lui donnant ainsi une seconde vie. Le papier, c’est pareil : je le prends dans les bennes au travail ou à la même boutique. Exceptionnellement, j’achète du papier de couleur pour ajouter une touche spécifique à certaines créations.
Pour ce qui est de l’adhésif, j’utilise de la colle plastique, car je n’ai pas trouvé d’alternative qui colle aussi rapidement. J’essaie néanmoins de rester le plus possible dans une démarche de recyclage pour mes propres créations.
Concernant l’arche de Noé posée place Bellevue à Lyon, où j’ai utilisé une grande quantité de colle plastique, j’ai commencé à la démonter progressivement pour éviter que le plastique ne tombe et ne pollue l’herbe de la place. Cependant, à peine les 3/4 du démontage effectués, la ville est intervenue pour la récupérer et la détruire. Je m’efforce donc d’être à 100% dans ma démarche écologiste : je récupère et je recycle.
Pour ta dernière création, pourquoi avoir choisi la guillotine ? Quel lien établis-tu entre la peine de mort, la déforestation et l’écocide actuel ?
La guillotine est un symbole fort, particulièrement en France, représentant la mort par décapitation. C’est un symbole universellement reconnu, appris dès l’enfance à travers l’histoire, ce qui le rend très évocateur. Sa taille impressionnante attire également l’attention et interpelle. J’ai choisi d’utiliser la guillotine pour établir un parallèle avec la déforestation et la destruction de l’environnement. L’idée est de dire : « La peine de mort pour l’environnement existe encore ». Nous déforestons pour construire des center-parks, des immeubles, des zones industrielles, et même pour obtenir des chênes pour Notre-Dame de Paris. C’est insensé aujourd’hui de détruire alors que nous savons que sans la nature, l’homme n’est rien. L’homme a créé la guillotine pour se détruire lui-même, et l’idée de remplacer le condamné par une bûche ensanglantée souligne ce message. Si nous détruisons l’environnement, c’est en quelque sorte une peine de mort pour l’humanité.
Peux-tu nous parler de tes projets à venir ?
Je partage mes projets en cours et à venir sur mon Instagram @green_vegetal_work et sur une autre page @green_street_work.
Ma prochaine réalisation sera un squelette de T-Rex, un puzzle 3D en lamelles de bois, similaire à ceux pour enfants, mais en format géant de 3 mètres sur 3 mètres 40 de hauteur. L’objectif est de le rendre suffisamment visible pour qu’il interpelle. Le chemin est long, mais je suis convaincu qu’il en vaut la peine.
Ce projet portera un message sur les énergies fossiles et le pétrole, qui sont des ressources que nous épuiserons un jour. Peut-être que nous ne serons plus là pour le voir, mais ce sera pour la postérité. Nous n’héritons pas de la planète, nous l’empruntons à nos enfants. Le projet comportera deux ou trois mots pour interroger : « L’énergie fossile ? »
Le choix d’un squelette de dinosaure a tout son sens ici. L’énergie que nous utilisons aujourd’hui provient de déchets végétaux et animaux datant de millions d’années. Il est important de sensibiliser sur le pillage de cette énergie, qui est destructrice pour l’environnement. Jusqu’où peut-on aller pour le bénéfice d’utiliser des objets alimentés par cette énergie ?
Il est aussi crucial de reconnaître que les énergies propres actuelles sont tout aussi énergivores et destructrices que le pétrole. Alors, pourquoi ne pas privilégier le vélo ? Il ne s’agit pas de tout arrêter, mais de réaliser les économies possibles sur ces énergies plutôt que de les utiliser de manière excessive et sans but. Le pétrole n’est pas l’avenir. Mon intention est de placer ce dinosaure avec une petite plaque explicative sur la place pour inciter les gens à réfléchir à ces questions.
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Propos recueillis par Spone
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