Article : (Saint?) Augustin (par Antonin Galano)

10 septembre 2020 FoutouArt

Il y avait quelque chose qui manquait sur notre site déjà bien rempli.. Du rédactionnel c’est certain, mais aussi un peu de légèreté et d’humour noir dans la lignée d’un Coluche ou d’un Desproges. Heureusement, l’arrivée d’Antonin Galano à Foutou’art vient redresser ce tort grâce à sa prose sans retenue savamment mélangée à l’actualité tous azimuts.

A ceux et celles qui sont dénués d’humour et de second degré merci de vous abstenir !!!

Il y a eu Marin Sauvajon puis Axelle Dorier, et maintenant il y a Augustin.

Pour rappel, Marin Sauvajon est un jeune homme qui s’est interposé alors qu’un couple qui s’embrassait nonchalamment était pris à partie par un groupe de jeunes, ces derniers jugeant les effusions sentimentales comme une provocation inadmissible à leur propre détresse sexuelle. Marin avait écopé pour l’occasion de plusieurs coups de béquille dans le crâne et, parce qu’un drame n’arrive jamais seul, a ensuite été décoré de la Légion d’Honneur.

De son côté, Axelle Dorier a pu expérimenter le frisson du ventriglisse sur bitume grâce à l’assistance de deux pourritures véhiculées. Bien malgré elle, la jeune aide-soignante, traînée sur près de 800 mètres, a permis de prouver que tout corps frotté contre le sol à cinquante à l’heure subit des dommages létaux du bas vers l’intérieur qui sont égaux au poids du volume de viande arrachée. Qu’elle repose en paix. On salue au passage les deux pourritures qui, par leur dévouement scientifique, ont également fait avancer la barbarie commune.

Vendredi 21 août.

Il pleut ce soir-là à Pontault-Combault mais on s’en fout puisque l’histoire se passe à Lyon. Forcément, sinon j’aurais pas causé de Marin et Axelle. Place Bellecour – le nom n’est, hélas, pas fort à propos –, deux jeunes damoiselles sont alpaguées par un groupe de cinq jouvenceaux pour des raisons bassement hétérosexuelles. Ils se montrent d’une insistance invasive mais heureusement, Augustin passe par là sur son grand destrier blanc et décide d’intervenir pour sauver les damoiselles en détresse. Le geste est beau, le geste est courageux, le geste est noble, merci d’applaudir. On déplore tant l’inaction passive des témoins d’agression, devenue légende urbaine au même titre que les alligators dans les égouts ou la tête de Christ en or massif dans le lac du Parc de la Tête d’Or, qu’on ne peut que se sentir bouffir d’admiration.

Le problème, de taille, est la question du rapport de force. Et c’est là que le geste devient stupide. À cinq contre un, même avec des notions de krav maga israélien ou de kung-fu guatémaltèque, la meilleure solution reste la fuite à l’anglaise. À la rigueur, si on a un calibre 12 dans la chaussette au moment des faits, ça peut faire son petit effet. Mais avec la prolifération galopante des défenseurs d’animaux, c’est de plus en plus mal vu de se balader dans le tout-Lyon avec un fusil de chasse.

Bref, Augustin n’en démord pas, il montre un peu les dents et finit par prendre une patate mesquine dans la gencive. À cause des lois de la cinétique, une incisive saute. Pour afficher un sourire Béatrice Dalle, y a pas mieux. À cause des lois de la gravité, Augustin se retrouve à terre. Il est ensuite vigoureusement passé à tabac sous le regard bienveillant des smartphones voyeurs et finit à l’hôpital. Bilan de l’opération de sauvetage : fracture de la mâchoire, lésion dentaire et fêlure de l’orgueil. Mine de crayon, pour un lynchage, il s’en sort bien Augustin.

On apprend par la suite que les cinq jouvenceaux étaient de type « colorés ». Aïe, le mot est lâché. Et on a envie de dire que ça n’étonnera personne. C’est toujours les mêmes de toutes façons. Les attentats, c’est eux. Le vol de nos sacs à main et de notre travail, c’est eux. Je suis sûr que la perte de ma carte bleue jeudi dernier après mon vingt-troisième Pepper Berry, c’est aussi eux. Et si tu veux mon avis, les deux mosquées incendiées à Perrache et Bron à la mi-août, c’est sûrement eux. Mais chut…

Bien évidemment, les droittardés se jettent sur l’affaire comme une mouche à merde affamée sur un fumier humide, à base de « la France est en danger », « zone de non-droit », « identité nationale », « terrorisme » + [insérer ici les mots-clefs habituels]. Sauf que…

Eh bien il s’avère que l’histoire relatée ci-dessus, qui est la version de la famille d’Augustin, comporte de sérieuses lacunes. Les jeunes damoiselles n’ont pas estimé avoir été agressées, juste lourdement draguées. La différence est de taille, sauf pour les féministes hystériques – c’est pas un pléonasme, la majorité des féministes sont équilibrées – qui considèrent déjà que tenir la porte est un viol avec préméditation gynécophobe et crime contre la féminité. Il n’y a pas eu non plus de lynchage, juste une patate. Là aussi, la différence est de taille, sauf pour les neuneus mouligas, moitié Homo sapiens moitié gelée de groseille, qui pensent déjà qu’on les agresse quand on lève la voix à plus de 33 décibels.

Alors, forcément, avec cette nouvelle version, l’épopée d’Augustin le martyr devient l’anecdote d’Augustin le fouille-merde. Ah ! c’est sûr que se retrouver à sniffer le sable rouge de Bellecour comme Neymar suce le pré vert de Lisbonne en une seule patate, c’est beaucoup moins impressionnant que « il se dressa fièrement face à des hordes sauvages et, seul, avec son honneur pour bouclier et son courage comme épée, il combattit vaillamment et repoussa l’envahisseur terrifié, qui comprenait qu’il lutterait même en enfer et qu’à la Tribu de Dana appartenait ces terres, dans des volutes de fumées et de sang qui, pour toujours, marqueraient de leurs sceaux paladins l’histoire de France, de Navarre et des galaxies environnantes ».

Également, c’est important de le souligner, il faut toujours s’assurer qu’il y ait véritablement agression avant d’intervenir, sinon on passe pour un con qui vient fourrer quoi ? son nez là où il faut pas. On sauve pas quelqu’un de la noyade alors qu’il fait une brasse coulée, c’est le b.a.-ba du David Hasselhoff en herbe.

La dernière information de cette affaire, qui relève donc bien plus de la baston de blaireaux bourrés que de la barbarie d’arabes brutaux, est qu’Augustin serait proche des milieux de droite de type catholico-royaliste, à tendance arabo-allergique.

Bien évidemment, ce sont les gauchiasses qui, ce coup-ci, se jettent sur ces nouvelles informations avec la délectation charognarde du nécrophore glouton – je varie les métaphores pour toi, lecteur, mon amour, mais l’idée est la même. À l’heure où j’écris ces lignes, ils sont à deux doigts de dire que c’est de la faute d’Augustin et que c’est bien fait pour lui, qu’il a abusivement utilisé son privilège de blanc oppresseur pour épancher ses soifs islamophobes, qu’il a été sexiste car, en défendant deux femmes, il suppute qu’elles sont trop faibles pour se défendre elles-mêmes, bref, la logorrhée habituelle des progressistes chiasseux qui geignent leurs petites intellectualités sur fond d’universalisme hypocrite.

C’est pas pour dire mais entre le droittardé et le gauchiasse, on dirait que c’est à celui qui va le plus nous faire chier le beignet, à croire que tout ce ramassis de connards pourrait te politiser un pot de chambre si ça pouvait emmener de l’eau à leur paroisse. Alors que, c’est pas pour dire, mais la vraie information dans tout ça, c’est que je me suis murgé au Pepper Berry jeudi dernier.

Et franchement, c’est pas viril certes, mais c’est pas dégueu non plus.