La Plume du Coq : Tekelito chez le véto
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La Plume du Coq s’acoquine avec Foutou’art pour nous régaler de leur prose débridée, leur philosophie mordante et leur écriture à mourir de rire, grivoise et sans filtre ! Un grand merci à eux pour ce vent de fraîcheur créatif dans nos colonnes.
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Tekelito
chez le véto
Le Teckel. C’est un mammifère canin, de la famille des chipolatas, qui fait partie du grand ordre des gentils toutous (selon une taxonomie approximative). On le dit Basset, on le dit surtout allemand, die Hure deiner Mutter ! (« comme le sait ta maman », selon une traduction également approximative). Cela semble peu vraisemblable, mais le Teckel était un chasseur. Le mot Teckel viendrait du terme Dachshund, littéralement, chien à blaireau. Voilà une étymologie qui convient aujourd’hui. Échangeant sa condition de limier pour celle de compagnon, le troc entre ses anciennes proies et ses nouveaux maîtres s’est fait sur fond d’équivalence.
Du reste, si d’un premier regard on ne l’aurait pas cru braconnier, c’est parce qu’il est court sur pattes, et long : chien-saucisse est son deuxième nom.
Enfin, voilà qu’un Teckel entrait dans la pièce. Il tirait au bout de sa laisse, non point un blaireau, mais une blairelle. L’humaine portait un sweat, sweat qui comportait une capuche, capuche qu’elle portait sur la tête, en sus d’un jean et de baskets. Ni bonjour ni merde, elle s’assit, impatiente, sur un siège savamment choisi de la salle d’attente.
Tekelito – c’est son troisième nom – avait une attitude toute contradictoire avec celle de sa maîtresse. Car il vivait dans l’angoisse, et avait manifestement bien moins d’empressement dans son attitude qu’en avait sa patronne. Sans rien étudier de son environnement, il s’asseyait à son pied, et museau baissé, adressait une prière à Anubis, le Dieu-chien, ou saint Roch, le saint patron canin.
Et puis… Alors qu’il rongeait son frein, son œil nerveux se leva enfin. En face, à quelques places plus loin, un patibulaire Saint-Bernard se léchait son énorme paire. Aucune timidité, pas plus de vergogne. Rien qu’une indifférence ostensible aux regards d’autrui.
Tekelito, intimidé, avala sa salive, tout en ne ratant rien de cette toilette improvisée. Chaque coup de langue sur l’objet léché soulevait le doublet de quelques centimètres, suffisamment pour qu’un « *clope*… *clope*… *clope*… » métronomique se fît entendre : le bruit des noix s’écrasant périodiquement sur le carrelage blanc du vétérinaire.
« Ce chien doit s’appeler Coco » se dit Tekelito comme réflexion, « parce que si ce que je vois est un fruit, ce sont des noix de coco ».
Ah ! Quel chien ! Au rayon des cabots, il ne doit y avoir que Cerbère qui soit plus gros ! Sa tête est plus grande que celle d’un homme, il avoisine la taille de Peter Dinklage au garrot, et fait sans doute trois fois son poids. Les traces de ses pas, sûrement, se fondent dans celles d’un ours. Tekelito se disait qu’il n’était pas tenté de tâter ces épatantes pattes, sur la gauche desquelles reposait, là, gisant et jugeant, un énorme sexe en étui.
L’admiration remplaçait la terreur.
Derrière ce titan reposait une autre superbe créature : talons, collants, résilles peut-être ? Qui sait ? Car le noir en linon fluide disparaissait derrière l’érotique rideau plissé de sa jupe en coton. Ah ! Elle a du chien !
L’excitation remplaçait l’admiration.
Tekelito s’emplissait de sentiments ambivalents qui se résorbèrent en curiosité : quel diable est ce terrible molosse carnassier, à quelle diablesse de maîtresse est-il harnaché ?
Profitant du peu d’intérêt que lui portait la sienne, Tekelito profita du grand mou de sa laisse pour s’approcher du colosse.
*Sniff-anus* (« bonjour, comment allez-vous ? »).
Le Saint-Bernard rendit avec nonchalance sa politesse à l’amical intrus.
*Sniff-anus* (« bien, merci, et vous-même ? »).
– Sacrée jolie petite boutique, n’est-ce pas ? Anxieux, Tekelito ne savait pas vraiment quoi dire pour engager la conversation. Small dog, but not good at small talk.
– Eh, qu’est-ce qu’il vient faire dans ladite boutique, le petit monsieur ? répondit le Saint-Bernard avec la confiance d’un Jean Gabin et le même art pour imposer son autorité.
– Hélas, c’est pour une castration que ma dame m’amène.
– Ha… Un problème ? Un mauvais agissement ?
– Un péché ! Voyez-vous, j’avais bien conscience de Damoclès et son épée, car elle m’avait prévenu : si j’essayais une nouvelle fois de la monter, ma maîtresse me les ferait couper. Mais… Luxure, luxure, stupre : quelles ordures ! Je n’ai point résisté…
Tekelito s’interrompit l’espace d’un instant pour jeter un regard plein d’une rage amoureuse vers la décisionnaire. La montée d’une larme lui fit mettre fin à cette œillade, il eut alors une mine basse. Ses yeux tombèrent vers les deux appendices qui lui feraient bientôt défaut. Ce fut trop. Il laissa aller sa lacrymale sur l’arme de son crime. Un pathétique et insonore *plop* fut l’unique fruit que ses testicules engendrèrent. Ce fruit avait une larme en guise de jus.
Le Saint-Bernard, avec une constante apathie, suivit le même jeu oculaire.
– Joli petit brin de femelle, dit-il tout en mirant la donzelle avec cette force masculine qui lui venait sans effort. Puis, quand vint l’heure de regarder les bijoux de Tekelito, il ajouta du même ton : ho… pas de quoi pleurer, mon vieux… ça ne sera pas une grande opération, ni une lourde perte.
D’un revers de patte arrière, Tekelito sécha la peine à ses yeux, et d’un coup de l’une de l’avant, sécha sa pine et bientôt feu ses deux.
– Vous comprenez ? Déjà plusieurs fois j’avais saccagé ses bas. C’est que mon instinct est tout animal ! Alors, elle m’avait menacée : « Tekelito, si tu ne refroidis pas tes ardeurs, je vais m’en occuper ! » Mais… Dès le lendemain… Elle avait mis une jupe et des collants, comme la vôtre actuellement… Par-dessous, j’avais un angle de vue sur sa motte qui pour moi était un astre fendu. Qu’y pouvais-je ? J’ai sauté, toute langue dehors, haletant, sur sa jambe offerte, et m’y suis frotté comme un forcené ! J’envoyais mon bassin vers l’avant, puis vers l’arrière, puis vers l’avant, et cela encore quelques fois pendant un court moment. Où avais-je appris cela ? Ho ! Je crois que ces connaissances ne s’apprennent pas, elles se pratiquent ! Je pratiquais ! Je la niquais ! Malheureusement, je n’avais niqué que son collant : des trous de griffes là, au niveau du genou que je tenais de mes pattes avant. Et puis… un peu de colle blanche au niveau de la cheville. Des dégâts somme toute en adéquation avec ma physionomie longiligne.
Enfin… Je vous ennuie sans doute avec mon histoire…
– Pas du tout, mon petit père. Je comprends, même : je compatis.
– Ha oui ? Vous avez été mené au vétérinaire pour un cas similaire ?
– Similaire ? Similaire ? Mais mon petit père, en nos récits nous sommes frères ! Je sais déjà que vous l’avez remarqué : ma maîtresse est exquise. Quelles cuisses fermes, quelles fesses rondes, et puis ces odeurs qui me viennent au nez quand je la suis, tout collé à sa personne. Nous avons une relation à part, privilégiée, on se tutoie, enfin : nous sommes intimes. Même, parfois, je peux profiter du canapé. Il arrive même qu’elle m’ouvre sa couche, quand certaines nuits, la joie se ferme à elle. Alors, c’est moi qui la réconforte ! Moi, vous dis-je ! Elle me caresse, m’embrasse, me serre dans ses bras et me dit à quel point je suis un bon chien-chien ! Ho ! Ça m’excite ! Ho ! Je bande !
Mais voilà… Hier était l’une de ces nuits où son moral s’abolit. Elle m’avait donc fait venir, et à ses pieds j’avais veillé. Et puis… Le jour se leva… Et tandis que l’aurore dardait de ses premiers rayons – et que moi-même je dardais encore sévèrement – Madame alla se doucher. D’un geste elle jeta sa nuisette à bas : elle s’était mise à nue… Ho ! La motte ! L’astre fendu ! Pour darder, je dardais ! C’est là que survint la crise, l’événement, l’incident… La savonnette – trop humide sans doute – s’échappa. Elle la ramassa… Ho ! La grotte ! L’astre lunaire ! D’un bond d’un seul, me voilà astronaute. Enfin, vous comprenez, comme vous, je suis né avec en tête quelques mouvements de hanches.
– Seigneur ! Il l’a niquée ! Alors… Vous aussi, on va vous couper les couilles ? dit enfin Tekelito, avec une angoisse qui se faisait plus légère.
Le Saint-Bernard leva une patte à son museau, comme pour une inspection, ainsi que ses paupières et ses sourcils vers le haut, et, grisé, répondit :
– Ho… Non, non. Moi, c’est pour limer les griffes.



