LITTÉRATURE : « LES CANNABELLES » / EPISODE 6 – « La Conquête considérale. » (PAR ANN)
Les Cannabelles
6 – La Conquête considérale
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« Mes sœurs, je vous ai comprises ! La situation est grave. Nos productions de mâles, ces dernières décennies connaissent un déficit sans précédent. Quand les mâles ne crèvent pas à la sortie de l’œuf, les survivants sont improductifs. On investit une vingtaine d’années pour au bout du compte, être contraintes d’abattre des élevages entiers. Par précaution, nous avons sacrifié toute la dernière génération atteinte d’une forme sévère de chlamydia infectant toutes les salles de traite. Nos réserves sont épuisées. Nos surgélateurs sont vides…
Mes sœurs, nous devons agir sans attendre ! Le temps est venu des grandes découvertes, des grandes conquêtes, nos vies en seront à jamais bouleversées », fut en résumé les bonnes paroles de notre Führieuse, élue à vie pour la qualité de ses élucubrations. Ses furibondes la portèrent en triomphe au travers d’une haie d’honneur écartant un public de cannabelles applaudissant plus de crainte que d’enthousiasme.
Il fallait une volontaire et ce fut moi !
Nous sommes cinq millions d’individues[1] sur cette foutue nébuleuse et il fallait que ça tombe sur moi qui ne demandait rien à personne et mieux l’unique, la seule à avoir la réputation de ne rien comprendre à rien même à la théorie de l’esprit sain.[2] Je fis valoir devant l’Assemblée toutes mes incapacités mais à la face obtuse de mes mairs[3], je compris que j’étais condamnée à participer à cette opération suicide.
J’ignorais jusque-là que sur cette planète, vivaient encore des hommes semblables à notre bétail. Je me demandais s’il était vraiment indispensable de prendre de tels risques pour rapporter l’objet précieux aux seuls yeux des services scientifiques. « Un voyage initiatique, A ! » me répétaient les techniciens occupés aux préparatifs de l’expédition.
– Tu vas t’éclater, riaient les préparatrices goguenardes.
– Je vais m’éclater comme une galette contre un gros caillou. Pourquoi moi ?
– Parce que nous, on userait le précieux avant de le rapporter chez nous ! riaient-elles de plus belle.
– Je préfère ce qui brille comme le soleil et l’éclat des bijoux. Et puis je préfère le vert. Le bleu, ça me déprime ! Je ne comprenais rien à leurs allusions.
– L’homme n’a jamais brillé, ça se saurait !
Zelda me cria : « On n’a oublié de te dire que l’homme bleu que tu dois rapporter, devra aussi être vert pour être efficace. »
Ça rigolait dans la station de contrôle… Mon désarroi grandissait. C’eut été si simple de profiter de la vie en attendant la mort sans se préoccuper de la disparition de notre espèce et des cris des nouveau-nés. Après nous, le désert…
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A suivre…
[1] Dites-moi donc pourquoi ce mot ne se déclinerait pas au féminin ?
[2] Santé, ça va de soi.
[3] Pair, individu de même rang… évidemment vous connaissez. Mair étant sa déclinaison au féminin. Ne cherchez pas, sur votre Terre, il n’y a pas d’équivalent… Ah si en gascon : mair = maman.
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Episode 1 : https://foutouart.fr/litterature-les-cannabelles-episode-1-la-cannabiere-par-ann/
Episode 2 : https://foutouart.fr/litterature-les-cannabelles-episode-2-le-monde-de-cannae-par-ann/
Episode 3 : https://foutouart.fr/litterature-les-cannabelles-episode-3-la-cabale-par-ann/
Episode 4 : https://foutouart.fr/litterature-les-cannabelles-episode-4-la-conquete-de-cannaceae-par-ann/
Episode 5 : https://foutouart.fr/litterature-les-cannabelles-episode-5-mademoiselle-a-par-ann/
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