Littérature/ Histoire : L’emmurée (Légende Médiévale)/ 1 – Têtes de Turcs (par Ann)
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L’emmurée
Légende médiévale
I – Têtes de Turcs (27 novembre 1095)
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Ce fut le quatrième jour avant décembre de l’an 1095 qu’Urbain le second, entre deux bulles papales dont nous ne rapporterons pas les détails, vu que tout le monde aujourd’hui s’en fout, exhorta la foule à engager la guerre sainte contre les Sarrasins. Les Chrétiens en voulaient à la tête de ces méchants Turcs qui avaient chassé les Grecs de l’Anatolie et envahi la Palestine. Ils voulaient en découdre avec ces hordes d’Arabes sauvages[1] qui faisaient de l’ombre au Saint-Sépulcre que les Croyants d’Occident voulaient récupérer, allez savoir pourquoi car en y réfléchissant, il n’en restait rien qu’un misérable symbole de gravats. En cette fin de siècle, il ne restait rien d’autre que des ruines d’édifices sur un supposé lieu sépulcral d’un type qui s’était fait la belle pour cause de résurrection…
Ça faisait deux années qu’Urbain avait enfin pu s’asseoir sur le Saint-Siège qu’un certain Clément avait utilisé éhontément pour son propre séant, à moins que ce ne soit le contraire, enfin bref… Urbain avait trouvé dans son exil un amical appui dans la figure d’un certain Roger le Bosso, un solide aventurier normand autoproclamé comte de Sicile quand il eut mis la pâtée aux musulmans installés sur cette île italique. Ce clan des Hauteville avide de territoires nouveaux y avait imposé sa part d’enthousiasme dans cet appel qu’Urbain s’apprêtait à faire. Les brumes matinales se déchiraient sur la chaîne des puys arvernes, les prélats venus des quatre points cardinaux dans tous leurs apparats somnolaient. Le souverain pontife bénit enfin l’assemblée et entama son discours en ces termes[2] :
– Ô fils de Dieu ! Il importe que, sans tarder, vous vous portiez au secours de vos frères qui habitent les pays d’Orient et qui déjà bien souvent ont réclamé votre aide. Un peuple venu de Perse, les Turcs, saccage le royaume de Dieu, détruisant nos églises et réduisant les Chrétiens en esclavage quand ils ne tombent pas sous ses coups. Ce n’est pas moi qui vous y exhorte, c’est le Seigneur lui-même – vous, les hérauts du Christ. Que vous soyez chevaliers ou piétons, riches ou pauvres, allez combattre ces néfastes païens qu’ils sont, ces Turcs. Je le dis à ceux qui sont ici, je le mande à ceux qui sont absents : le Christ l’ordonne. Vous recevrez votre récompense. À tous ceux qui participeront à ce voyage, la rémission de leurs péchés sera accordée. Que ceux-là qui n’étaient que des brigands soient désormais des chevaliers du Christ luttant maintenant, à bon droit, contre les barbares. Ici, ils étaient les ennemis du Seigneur ; là-bas, ils seront ses amis joyeux et riches !…
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ANN
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[1] A l’attention des mauvais esprits, ce n’est pas un pléonasme.
[2] D’après la transcription de Foucher, né à Chartres en 1059 et mort autour de 1127 en Terre Sainte. Il est le chroniqueur de la 1ère croisade.
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