Littérature/ Les aventures de Minou et Paddock : N°1 – Les amants reporters (par Ann)

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Les aventures de Minou et Paddock

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Minou avait pris un amant. Il ne valait pas trempette mais il lui présenta Paddock au coin d’un bar. Ils vivent dans les Landes et tous les deux aiment les richesses de ce pays. Je vous livre leurs aventures. Tout n’est pas vrai mais rien n’est faux. Et si un jour, vous passez par Mont-de-Marsan, l’un ou l’autre serait ravi de vous recevoir… Je vous dis l’un ou l’autre car les deux ensemble, c’est intenable !

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Les amants reporters

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Les modestes grilles du manoir se refermaient sur un austère jardin à la française encadré d’un pauvre paravent de chênes et de hêtres. A chaque coin sud de la bâtisse, un cyprès dressé comme les piques oubliées de lansquenets d’un temps révolu, montait la garde. Précédées par des soldats à la tête de buis posés comme pour une partie d’échecs en désirance sur un tapis de pelouse mangé par la sécheresse de l’été, de tristes haies de ramilles, raccourcies aux caprices d’un art suranné, figeaient l’ensemble dans une unique et lancinante saison. À la veille de son ouverture estivale, le parc était désert. Derrière les visiteurs, une ligne de terre prolongeait la perspective défoncée d’ornières de ce logis silencieux. Au loin, la tâche d’un véhicule agressait la saignée rectiligne déjà dissoute par la poussière de ce chemin sans charme. Des estivants sans doute qu’un dépliant touristique, vantant les framboises à l’Armagnac et l’Armafizz[1], avait égarés…

Dans son dos, une présence, un doigt insistant courant au long de son échine, frissonnante sous l’ardeur du soleil qui trempait de sueur, les corps épuisés des touffeurs estivales et endormait aux choses intellectuelles, l’agilité des cerveaux assoiffés. Les mains de Minou enlaçaient les barreaux de cette construction chapeautée d’ardoises qui aurait pu, pour si peu qu’Hergé eût visité le Bas-Armagnac, mieux servir de moule au château fictif de Moulinsart. En effet, le manoir de Ravignan bâti sur les ruines d’une précédente place forte comme le firent de nombreux domaines au tournant du dix-septième siècle, s’inspira du style de l’époque dite Louis XIII.

Alors qu’elle échafaudait quelques contes, Paddock tourna plusieurs fois sur lui-même comme un chien cherchant un refuge ou un coin pour pisser. Il avait simplement l’œil averti du photographe. Elle écrivait un peu pour elle, beaucoup pour les autres, c’était son métier. La dame amoureuse des paysages landais fut saisie d’une association d’idées fusionnant alors sensibilité visuelle et littéraire. Mais Monsieur sur l’affaire ne comptait déjà plus faire tintin sur une immédiate idée fixe qu’il inscrivit de son index expert au bas des reins de sa présente compagne.

Les doigts de la femme glissèrent alors entre les phalanges affamées de son guide qui l’entraina dans l’ombre produit par la ramée des arbres. Ce n’était qu’une courte tonnelle de fraîcheur, le temps de dégager leurs yeux bleus de ces lunettes de soleil bien embarrassantes et pourtant si indispensables au cœur brûlant de l’été. Le bruissement de leurs lèvres donna l’alerte à un geai. Même la brise se tut, les feuilles n’osèrent plus un mouvement.

Leurs corps s’étaient bien confondus une première fois en un seul soupir mais, sans que leur regard n’eût encore vaincu les timidités les plus résistantes, invisibles aux chasseurs ordinaires. Libres des contingences pressantes des amours charnelles de la veille, la connivence, de gouttelettes de salive en larmes de cyprine, tissait entre ces deux êtres-là, son nid avec de larges brins d’humour enlacés.

La route amorce à cet endroit un virage laissant la départementale 354 filer vers le bourg de Perquie. Il y a là une église dominée par un clocher brisant tel un glaive, l’harmonie romane de l’ensemble dont les deux absidioles[2] accolées à l’abside comme fidèles servants, s’accommodent d’un cube couvert d’un toit qui eut quatre pans si la modeste sacristie rappelant un abri de jardin, ne fut pas maçonnée sur les murs du chevet initial. La nef et son transept légèrement moins élevé complètent cet empilage de formes.

Le couple alla d’abord au cimetière. Il suffit de dénouer la chaîne pour pénétrer dans le lieu. Sans un bruit, le portail glisse sur ses gonds. En longeant à droite, les moignons d’une haie, il suffit alors d’affronter prudemment une dizaine de marches glissantes, mourant sur ce qui fut sans doute, une pierre tombale d’un membre de la famille propriétaire du domaine de Ravignan. Le visiteur hésite à la fouler pour aboutir en contrebas, au mausolée dont la pointe émerge à la simple hauteur des sépultures ordinaires. Fiers de leurs diverses fonctions, attachés à leur titre nobiliaire acheté en 1715, les Lacroix qui se succèdent au manoir Ravignan depuis trois siècles, apprêtent-ils ainsi dans la mort, une modestie d’habiles hobereaux produisant de l’eau de vie.

Le repos éternel oublié par les passants, s’enfonce dans la verdure. Des noms qu’on ne prononce plus, des dates rongées qui résument des ombres de vies, des croix brisées par le temps qui passe, pas de fleurs, deux tombes de nourrissons aux pieds du couple s’étreignant pudiquement, pressé de visiter la fraîcheur du lieu saint. Ils remontèrent ainsi la nef, il n’y avait rien d’autre à faire que de se laisser emporter par cette ambiance apaisante.

Elle se glissa dans le passage pour accéder en haut de la chaire, une chaire de pierre au parement disjoint par endroit. L’ensemble branlait comme une vieillerie qui ne servait plus. Elle chuchota quelques mots. L’homme la suivit. On fit des vocalises, on déclama deux répliques du Cid. Les syllabes d’un son clair jaillirent, imprégnant tout le volume. Elle inventa alors une histoire sans queue ni tête. Il en perdit la seconde, maîtrisant mal l’autre, débridant vite son imagination d’amoureux en rut. Il alla fouiller dans les replis de la dame nue sous sa robe d’été. Le panorama de la descente lui tournant les sens. C’est sur le second banc qu’elle exhiba la lune au doigté de l’artiste. Il fourragea sans ménagement tous les orifices palpitants, craignant et désirant à la fois l’attaque de l’organiste sûr de ses improvisations. Les gémissements de la dame emplirent un bon moment l’acoustique de l’édifice. Son extase suspendit enfin autour des doigts fouisseurs de son partenaire, la jouissance finale de l’amante insatiable, pourvu que son con fût bien pétri.

Le bénitier était vide, les fonds baptismaux scellés, aucun robinet dans le cimetière pour laver les souillures de cet intime rapprochement. Mais il y avait sur les marches du chœur deux bouquets, l’un fait de grosses têtes d’hortensias, l’autre composé de lys blancs qui semblaient coupés de la veille. Le regard de sa compagne roula de lui aux deux vases. D’un coup, elle tenait entre ses mains la solution qu’elle éleva comme le bouquet final de ses noces crapuleuses avant que l’amant ne l’attrapa pour lui bénir le cul d’un peu d’eau croupissante sous l’œil rougeoyant du tabernacle.

Jusqu’au soir, comme un doux supplice, elle attendrait, portant en elle les plaisirs de ce long instant que les chaos de la route lui rappelaient tout le long du retour en l’obsession d’une vive pénétration promise en point d’orgue.

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Ann

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[1] Bas Armagnac à consommer en apéritif ou en cocktail. Spécialité familiale de Ravignan comme ses framboises à l’Armagnac.

[2] L’abside est une extrémité en demi-cercle derrière le chœur c’est-à-dire autour du chevet. Les absidioles sont des chapelles secondaires saillant en nombre variable, de forme identique mais de plus petites dimensions s’ouvrant justement sur l’abside.

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