Poésie : Aider Carlos Ghosn (à écrire de la poésie) (par Grégoire Damon)

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 AIDER CARLOS GHOSN (À ÉCRIRE DE LA POÉSIE)

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Cher Carlos Ghosn,

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je sais que ce n’est pas facile.

Mes copains gauchistes et anarchos-végans auront beau ricaner,

j’ai conscience de ton trouble.

Car j’ai de l’imagination, moi.

En tant que représentant de l’espèce humaine,

je suis tout à fait capable de me glisser un instant dans tes chaussures,

et de sentir.

Le vertige.

Le col qui se resserre.

Le slip qui tout d’un coup perd trois tailles.

Oui je sais.

Je sais, Carlos.

À voir comme ça, sur la fiche de salaire,

7,2 millions d’euros,

ça éblouit,

au début.

Mais après.

Après, c’est le doute l’angoisse la solitude.

Car on est seul avec 7,2 millions d’euros.

Tu as sans doute peu de gens pour t’épauler,

car 7,2 millions d’euros,

en bossant chez Renault,

même chez les vieux de la vieille des mécanos de Choisy-le-Roi,

il y en a très peu qui savent.

Qui savent comment ça marche.

Comment ça ronge.

Comment ça s’utilise.

Alors, pour que tout ça soit plus clair,

j’ai fait quelques calculs.

Sache donc qu’avec tes 7,2 mignons millions,

tu pourras t’acheter :

1440000 exemplaires d’occasion des Poèmes à Lou d’Apollonaire en édition de poche sur Priceminister.

Ou 1028571.42857 maxi tacos au restaurant « Le Tacos lyonnais » en bas de chez moi.

2880000 demis au Dream’s café, le bar en bas de chez moi,

qui organise tous les premiers mardis du mois une scène ouverte tout ce qu’il y a de sympathique.

Ou 900000 boîtes de douze préservatifs Durex Elite.

Ou 24000000 de cafés au distributeur de mon boulot (bibliothèque de la Croix-Rousse, 12, rue de Cuire 69007 Lyon, demande-moi de te trouver le badge, sinon c’est plus cher.

Ou alors, si tu es d’humeur vagabonde,

tu peux t’offrir 666.666666667 Twingos, de ces petites voitures ravissantes et très pratiques en ville,

sans compter la remise entreprise dont tu jouis peut-être.

Ou 13770.6799273 fois mon loyer mensuel charges comprises.

Tu ne les as pas volés.

C’est ton labeur,

c’est ta sueur.

C’est l’angoisse et le stress qui bouillent au font du coffre-fort de ton ventre.

Et c’est, pour tout ça,

c’est ton droit,

dérisoire et inestimable,

de rester 1147.55666061 ans assis dans ma cuisine,

à écrire de la poésie.

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Grégoire Damon

Son site : http://gregoiredamon.hautetfort.com/

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