Littérature/ Histoire : L’emmurée (Légende Médiévale)/ 4 – Du blé aux Sarrazins. (par Ann)

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L’emmurée

Légende médiévale

IV – Du blé aux Sarrazins. (15 août 1096 / 1099)

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Ça faisait dix générations que les descendants de Grim occupaient les terres de Mortemare dans le duché de Normandie. Grim Thorsteinnson avait participé avec Rollo aux derniers raids normands sur la Neustrie. Il se distingua à Saint-Clair-sur-Epte quand le premier Jarl de Normandie refusa de s’agenouiller devant Charles Le Simple, sacré par deux fois roi de France. Il désigna donc Grim pour faire allégeance en son nom. Le dévoué Grim avait l’humour gras et la fierté de ces guerriers nordiques. Pour sceller ainsi le traité faisant de la Neustrie une possession normande, il souleva si haut le pied royal que le monarque tomba cul par-dessus tête. Baptisé ce même jour, il prit pour nom Roland Toustain et pour épouse Bertille, une solide fille du cru qui avait les épaules pour défricher et les hanches larges pour enfanter. Ainsi il se consola des baisers de Freyja restée dans les fjords.

De Roland en Roger, les Toustain élevèrent une motte castrale sur les terres défrichées par leurs aïeux. Ils logeaient dans une tour de bois carrée entre mer et bocages. La demeure avait remplacé la masure originelle de la famille paysanne de Bertille, une simple construction de torchis au milieu d’un pré fermé sur ses quatre côtés par des halliers de noisetiers et d’épines noires. Son unique ouverture était protégée des bêtes et du froid par une porte faite d’un cuir grossier arraché à un vieux bœuf de trait.

Les Toustain se devaient de montrer leur pouvoir par une élévation dominant toute leur domesticité, qu’elle soit libre ou servile. La bâtisse, aussi haute fut-elle, n’aurait pas protégé le maître des lieux et sa suite des guerres intestines qui opposaient, pour quelques arpents de terre à confisquer, des seigneurs rivaux sans scrupules et brutaux, détruisant les récoltes et emportant les réserves des paysans disséminés en hameaux. En cent cinquante ans, la tour fut rafistolée plusieurs fois et reconstruite une première fois car l’humidité s’était infiltrée dans les fondations, une autre fois après un incendie. Mais la domesticité de génération en génération toujours plus importante en nombre, s’y activait à l’ombre de la tour seigneuriale.

Depuis le départ de son époux pour la guerre sainte, les réservoirs étaient pleins, Dame Isabeau y veillait. Elle gérait le domaine et ses gens avec fermeté certes, mais justice. Elle initiait sa fille Guenièvre aux rudiments de la lecture et de la calligraphie, à la connaissance des herbes, au filage de la laine et du lin.

« Les travaux étaient pénibles, les accidents n’étaient pas rares, mais la paix régnait. » C’est ainsi que débutent les feuillets qu’on retrouva dans le psautier de Dame Isabeau, deux siècles plus tard, lors de l’agrandissement du château. Écrit d’une main malhabile, il s’agit des confidences de la jouvencelle Guenièvre qui continuent ainsi : « Que ces hommes ne se soient pas tous entredévorés pour notre Salut, Seigneur Dieu, je ne te remercie pas, car ils s’en sont revenus au temps des labours, semer la terreur parmi les leurs. Ces guerriers ne valent rien. Avides de terres et de pouvoir, ils nourrissent des ambitions dont nous, les femmes, sommes les outres. »

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ANNE ANDRÉE-ROCHE

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Chapitres précédents :

Littérature/ Histoire : L’emmurée (Légende Médiévale)/ 3– Croissant aux beurs (par Ann)

Littérature/ Histoire : L’emmurée (Légende Médiévale)/ 2– Byzance, c’est fini ! (par Ann)

Littérature/ Histoire : L’emmurée (Légende Médiévale)/ 1 – Têtes de Turcs (par Ann)

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